Pour ou contre la coquetterie?

princess photo

Certains disent qu’il faut faire attention à la manière dont on s’adresse aux petites filles; ils pensent en effet que trop souvent, les premières phrases échangées avec elles relèvent de l’apparence physique. « Wow, elle est trop belle, ta robe! », que l’on s’exclame souvent, sans vraiment réfléchir…

http://www.huffingtonpost.com/lisa-bloom/how-to-talk-to-little-gir_b_882510.html

À la place, on suggère de poser des questions sur leurs centres d’intérêt, comme de demander si elles ont des livres préférés, par exemple. Je suis la première à penser que l’on doit tout faire ce qui est en notre pouvoir pour que nos filles ne grandissent pas en pensant qu’elles ne sont en fait qu’un corps, qu’une belle image « à entretenir ». J’ai lu cet article en acquiesçant de la tête, en parfait accord avec l’auteur, sereine.

Toutefois, aujourd’hui, je dois avouer qu’une partie de la chose me rend inconfortable. Peut-on grandir comme fille, puis comme femme, en mettant totalement de côté tout ce qui relève de la coquetterie? Il y eut une époque où les parents devaient s’abstenir de faire des compliments à leurs petites filles, où le fait de leur dire qu’elles étaient belles était considéré comme de la vanité, un manque flagrant d’humilité et de bon sens. Judéo-christianisme, quand tu nous tiens…

En fait, je pense que ce qu’il faut éviter, c’est l’excès, c’est le piège de ne développer que cet aspect de nous-mêmes. C’est aussi de faire en sorte que, une fois devenues grandes, si les petites filles n’ont n’a pas envie de se livrer à toute une série de contorsions matinales pour s’habiller comme des stars et se maquiller à la façon « shooting photo » et bien, ça n’est pas grave. Plus encore, c’est tout à fait acceptable, valable et tout aussi joli! Mais on devrait avoir le choix.

S’aimer pour ce qu’on a l’air, c’est aussi quelque chose à cultiver. Apprivoiser son visage, l’unicité de son corps, apprendre à l’apprécier, c’est tout aussi important que de développer un esprit vif et créateur, non? Et pour ce faire, il me semble qu’il faut en parler? Mais tout dépend des mots qu’on utilise, pour ça, je suis d’accord! (http://www.huffingtonpost.com/sarah-koppelkam/body-image_b_3678534.html)

Mais pour tout le reste? Les vêtements? Les chaussures qui brillent? Les bijoux colorés? Devrais-je faire la morte quand ma fille fait joliment tourner sa robe dans les airs, par pur plaisir de la chose, par pur délice de savourer un brin de fantaisie en ce monde? Ne devrais-je jamais lui dire qu’elle est belle? Pas seulement belle à l’intérieur, mais belle aussi physiquement? Ne va-t-elle pas penser que ce silence équivaut d’emblée à un « non ». « Non, chérie, tu n’es pas jolie, puisque je n’ai jamais pris le temps de te le dire. Je ne t’ai jamais appris le chant de ta beauté unique, celui que tu devrais connaître par coeur, celui que tu devrais être capable de te remémorer en cas de doute, en cas de déroute… »

Peut-être que tout est une question d’âge? Je pense sincèrement qu’il est inutile d’attirer l’attention de nos petites filles sur leurs particularités physiques avant l’adolescence, avant qu’elles ne s’en plaignent elles-mêmes, parce qu’à mon avis, ceci est pratiquement inévitable!

J’ai lu un jour qu’on ne remerciait jamais ses parents pour le corps qu’ils nous avaient donné (Katherine Pancol, Les écureuils du Central Park sont tristes le lundi). Au contraire, on passe beaucoup trop de temps à l’haïr. le mépriser, à charcuter ce don de génétique et à en faire la critique, morceau par morceau… Alors qu’au fond, on devrait être reconnaissants. Reconnaissants d’avoir la possibilité d’être portés tous les jours par cette machine puissante, cet amalgame d’os, de muscles et de peau qui nous rappelle qui on est et d’où on vient.

Cette petite cellulite à la patte gauche qui nous exaspère, et bien, notre mère et notre grand-mère l’avaient aussi. Ces fesses rebondies que l’on voudrait plus discrètes, c’est l’empreinte féminine du côté paternel… Le corps fait de nous les membres d’un clan. Il est porteur de mémoire.

Ma grand-mère Margot nous a quittés quand j’avais 12 ans; lorsque je regarde les yeux gris couleur de pluie de mon bébé, c’est comme si elle revenait nous saluer, en passant…

Pascale Clavel
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