Quand la maladie frappe mamie…

Par Josée Godbout de DRIVE Leadership and coaching

Quand les proches sont gravement malades…choisir le travail ou tout lâcher ?

Y a-t-il une bonne et une mauvaise façon de vivre ça ?

Quand les proches sont gravement malades, on se retrouve devant une question lourde à porter ; que doit-on choisir ? Mettre sur pause sa vie en quelque sorte, ses engagements professionnels, ses loisirs, sa routine ou bien…

Ma mère a reçu un diagnostic d’Alzheimer il y a maintenant deux ans. Doucement, ses moyens lui glissent entre les doigts, lui échappent. À chaque visite, je me retrouve, d’une certaine façon, devant une nouvelle personne. Les petits deuils s’accumulent au rythme des rencontres et lentement, mais sûrement, je comprends que maman ne sera plus jamais la même. Tranquillement et douloureusement, je perds la maman que j’ai connue. Cette femme qui m’a bercée, élevée, que j’ai découverte au fil des années devient peu à peu, une inconnue.

Elle est bien vivante et porte toujours le même visage, mais pourtant si différente. C’est comme un kaléidoscope ; à chaque coup d’œil, après un léger mouvement, l’image est différente. Je découvre alors la beauté de cette nouvelle image. La nuance qui en émerge alors, c’est que dans cette transition, il arrive que parfois je ne puisse reconnaître cette beauté. Je vois les différences et je vois ce qui a disparu, ce qui était et qui n’est plus. Pourtant tout comme le kaléidoscope l’image a changé, mais l’essence de ce qu’elle projette demeure la même. La métaphore peut sembler boiteuse, tout comme ma démarche d’apprentissage à-travers cette transformation.

À la suite de l’écrasement d’une vertèbre qui causait une atroce douleur, ma mère a été hospitalisée. Afin d’atténuer et contrôler la douleur, on lui a alors administré de fortes doses de morphine ; la médication a répondu aux attentes, la souffrance physique s’était merveilleusement apaisée, mais les effets étaient dévastateurs sur la maladie. Devant les pertes considérables d’autonomie de ma mère, mon beau-père a tenu le flambeau admirablement. La distance physique qui me sépare d’eux étant considérable (2 heures et demi), il m’a rassurée en me confirmant que tout irait bien. Il allait gérer. Avec le recul, je réalise que mon soulagement était peut-être égoïste. Pourtant, j’avais le sentiment que maman était là où elle était bien, dans les bras aimants de son mari. Puis la réalité reprend cruellement le dessus ; en tant qu’entrepreneure, comment puis-je concilier mes responsabilités familiales et financières, répondre aux besoins de ma fille tout en assurant fréquemment des déplacements à Québec afin d’apporter mon soutien à mon beau-père et à ma mère ? Comment offrir le support et la présence à ma famille tout en devant offrir la même chose à mes clients ? Le devoir, le vouloir, le cœur et la tête ; le déchirement en moi est si grand qu’il m’empêche de dormir. Son mari qu’elle aime tant s’occupe d’elle et en prend soin, alors pourquoi suis-je envahie si souvent d’un sentiment de culpabilité ? Plusieurs seront formels : la famille avant tout !

J’ai tant d’admiration pour leur dévouement et leurs convictions. Parfois, je me sens prise dans toutes ces questions ; suis-je une fille indigne ? Est-ce que je perds des moments précieux avec ma mère au détriment de mes responsabilités ? Est-ce que ce que je passe à côté de rencontres humaines, transformatrices et empreintes de richesses ? Assurément, absolument. Alors devant cette constatation, dois-je négliger, l’espace de quelque temps, les moments consacrés à ma fille ? Je porte aujourd’hui avec moi des questions, des réflexions. Pas nécessairement des réponses, mais plutôt une voix pour ceux qui le vivent en silence.  Un débat de société qui déchire et qui nous ramène au fameux dilemme de l’équilibre travail-famille. Alors qu’on résume son appellation en deux mots, il s’agit pourtant d’un immense vase bien rempli.

Trouver un équilibre entre prendre soin de soi, des enfants, de la maison, des corvées, de l’entretien du terrain et de la voiture, de sa vie professionnelle et de son entreprise, des clients, des collaborateurs, des amis et des relations sociales afin d’être également nourrie à ce niveau, de notre développement personnel et des finances. Cet équilibre déjà fragile, peut également être ébranlé lorsqu’un proche qui était plus éloigné physiquement, démontre le besoin de rapprochement. Comment intégrer ce nouveau paramètre à l’équation alors qu’on se sent submergé par tant de questions ? Vers qui se tourner pour obtenir réponse ? En quel réseau peut-on avoir confiance ? Y a-t-il un réseau, des ressources ?

Lorsque nous sommes entrepreneurs, chaque choix compte et ce, même si notre cœur déborde d’amour pour nos proches. La santé de l’entreprise en dépend et on peut courir à notre perte pour un oui ou un non… La question du choix se pose souvent ; si je demeure à la maison pour supporter ma fille qui est malade et que j’annule ma rencontre client, est-ce que ma décision sera bien reçue ? Naturellement et rapidement, l’amour et l’instinct maternel prennent le dessus et la décision devient une évidence. Pourtant, le simple fait de m’être posé la question me trouble et me porte à réflexion sur mes capacités maternelles. La situation se transpose de même avec mon rôle de fille envers mère. Comment gérer tout cela ?

Je me retrouve aujourd’hui en exploration, j’étudie et tente des solutions. Solutions qui seront appelées à évoluer, certainement et que je vous présente aujourd’hui. Je suis loin d’être une experte en matière d’accompagnement ou bien en tant que proche-aidant et qui plus est, je ne possède pas d’expertise et de grandes connaissances en matière d’Alzheimer. Par contre, je suis celle qui ose adresser, qui ose questionner et remettre en cause l’ordre établi, et ce, même avec mon propre équilibre.

  • Briser l’isolement et oser en parler : ruminer les pour et les contre, tergiverser entre faire une chose ou une autre, ressentir la culpabilité face aux actions posées de ceux qu’on prend en exemple et se retrouver devant une perte d’énergie inutile. Ma première solution a été de puiser en la richesse de la communauté, à mon réseau social et d’oser parler franchement de ce que je vivais. J’ai également sondé le terrain sur les réseaux sociaux, dont Facebook. La réponse fut surprenante, plus de 45 commentaires, recommandations, conseils, 45 baumes sur mon cœur. J’ai alors créé un réseau afin de briser la solitude et j’ai pu en admirer toutes les couleurs. J’en suis venue à la conclusion qu’il n’y a pas de normes ; il n’y a pas de mère et de fille indigne, il n’y a que des humains plongés dans des questions et situations similaires tout en le vivant différemment.
  • Prendre du temps pour faire le point et ré-évaluer l’importance relative des éléments dans la balance : je me suis réservée une journée complète pour ma mère et moi. Je me suis également accordé du temps pour remanier mon horaire et revoir mes priorités, et ce, en considérant toute l’importance que j’accorde à cette relation. Nous sommes tous uniques et il n’y a pas place au jugement, encore moins envers soi-même.
  • Accueillir notre différence relative à la gestion des situations et dans notre chemin afin de trouver un équilibre. Ce qui définit mon équilibre est totalement différent de ce qui définit l’équilibre de ma voisine !
  • Faire la paix avec soi et ne pas me comparer. Continuer de me prodiguer soin et amour, même quand je n’ai pas envie d’y aller, même quand j’hésite. M’accorder le droit de souhaiter parfois que cette malade n’ait pas intégré ma vie par le biais d’une femme que j’aimais tant. M’accorder le droit d’être parfois en colère, parfois triste et d’avoir parfois envie de crier à l’injustice. Me souvenir que ça passe, ça aussi. Car ça passe, et la paix revient toujours.
  • Communiquer régulièrement avec ma mère. Que ce soit de façon concrète avec le téléphone, ou encore et surtout pour moi maintenant, avoir une intention de lui envoyer de l’Amour à distance, à tous les jours et plusieurs fois par jour. Et faire confiance que dans l’invisible, ça fait une différence. La visualiser étant bien, sereine, en santé et entourée des soins dont elle a besoin. Garder la foi.
  • Accepter de revoir régulièrement mes choix et de refaire ce processus en continu. Choisir consciemment ce qui fait du sens pour moi et me donner la permission de changer d’idée, de parfois ne pas savoir et d’être déstabilisée.

Ultimement, dans cette recherche de l’équilibre quand un nouveau paramètre comme celui-ci s’ajoute, c’est de revenir à un espace d’amour et à l’espace du cœur. De méditer plus souvent, pour rester centrée et prendre les meilleures décisions pour moi et pour les autres quand ça me concerne. Me souvenir que malgré le fait que maman perde une partie de ses moyens, elle a toujours besoin d’amour et que j’ai le pouvoir de lui en donner. Je sais faire preuve de créativité et multiplier les attentions qui égaieront ses journées : lui faire parvenir un bouquet de ses fleurs favorites, lui envoyer des lettres manuscrites imprégnées d’amour et de couleurs agrémentées de jolis dessins. Je peux intégrer ma fille dans cette belle démarche et lui permettre de voir sa grand-mère via Skype. Je peux lui faire jouer ses morceaux de musique préférés afin qu’elle plonge de nouveau dans les émotions que ceux-ci lui procurent.

Je dois me rappeler que pour accompagner pleinement ma mère dans ce chemin inconnu, je dois me permettre de me ressourcer également. Je dois respirer suffisamment afin d’insuffler à mon tour l’oxygène dont ma mère a besoin.  Exploration à poursuivre ! Vos commentaires, trucs, réflexions et expériences au sujet de cet équilibre travail-famille élargie sont plus que les bienvenues ! Soutenons-nous dans ces défis de vie et partageons nos ressources !

« Tout est beau, mais tout le monde ne peut pas le voir » (Confucius)

« SI la vie te jette à terre, lève les yeux. Il y a des étoiles au-dessus de toi ». (anonyme)

Josée Godbout

One thought on “Quand la maladie frappe mamie…

  1. Tremblay, SuzAnne says:

    Super article, Josée…… Tout y est. À ta hauteur et grandeur d’âme. Je vais lire… et relire… souvent!

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