J’avais préparé quelques questions pour l’occasion afin de partager cette expérience avec vous et vous inclure dans ce moment précieux.
Pascale Clavel : Avant d’être auteur, vous avez été psychologue et avez travaillé auprès de patients atteints de la maladie de l’Alzheimer. Est-ce que vous exercez toujours cette profession ou votre vie d’auteur prend désormais toute la place ?
En guise de réponse à cette question, que je n’ai pas eu besoin de poser officiellement, je vous fais part de quelques éléments que l’auteur a lui-même expliqués lorsqu’il s’est présenté à notre petit groupe.
Après avoir travaillé comme psychologue, Mickaël Brun-Arnaud a ouvert, en 2018, une librairie qui se spécialise en mangas : Le Renard Doré. Il s’agissait d’un grand rêve qui est devenu réalité et qui a connu un beau succès. Mais comme ses activités d’auteur prennent beaucoup de place désormais et qu’il œuvre également dans le milieu de l’édition, il passera bientôt la main à un nouveau propriétaire. En effet, Mickaël Brun-Arnaud s’occupe à présent de la sélection des mangas publiés aux éditions Rue de Sèvres, une maison d’édition parisienne spécialisée dans la bande dessinée et qui fait partie du groupe de L’École des loisirs. Le plus merveilleux dans tout ça? Cette collection porte le nom de sa célèbre librairie, soit Le Renard Doré ! Facile à retenir, n’est-ce pas ?
Pascale Clavel : Vos romans abordent des thèmes tels que la famille, les liens intergénérationnels, les souvenirs, les secrets bien gardés. Bref, la famille semble être un thème de prédilection dans cette série, mais aussi les liens amicaux. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a orienté ce choix.
Mickäel Brun-Arnaud : Je pense que c’est très lié à mes études en psychologie. On a tous un moment quand on étudie en psychologie dans l’amphithéâtre, où l’on vit une épiphanie. Il y a les fausses épiphanies, mais il y a aussi les vraies épiphanies (rires). Mon épiphanie, moi, c’est en première année, quand on parlait de cryptes et de fantômes. J’ai compris quel était le poids des choses qu’on ne voulait pas dire dans la famille. Ce sont des sortes de dépouilles cachées, des dépouilles psychologiques. Et lorsqu’on les cache, ça fait des fantômes et les fantômes viennent nous hanter. C’est toujours ce que j’ai voulu aborder et je pense que c’est là où ils (mes livres) me ressemblent le plus, c’est qu’ils sont le reflet de mon cheminement intérieur. Je trouve que c’est important, surtout que je suis actuellement en train de vivre un phénomène de censure de mon volume 2 en Russie. C’est douloureux de savoir que l’histoire qu’on a voulu créer a été modifiée. Des personnes vont lire quelque chose qui a été modifié et qui n’a pas finalement le vrai message.
Ma deuxième épiphanie, c’était la recherche de ma propre bienveillance. C’est un terme que peu de gens aiment, parce qu’il a peut-être été trop utilisé dans les médias. C’est quelque chose en psychologie qui est ce qu’on appelle le concept même d’empathie, de position bienveillante qui dit que lorsqu’on va chez un thérapeute, on s’assoie, on est accepté inconditionnellement dans notre discours et on a cette position qui permet en tout cas à l’autre de déployer ses émotions.
Et c’est comme ça que je vois la littérature. C’est de choisir ces sujets-là et de me dire qu’on est pas la même personne au moment où on commence le roman et au moment où on le termine. Que le livre sera cathartique, qu’on accompagne quelqu’un vers une émotion au fil de la narration. On donne une information, une information, une information… pour finir vers la catharsis émotionnelle et finir en pleurs. Et c’est ma façon de voir les livres.
Pascale Clavel : Dans vos histoires, il y a une part de lumière, toujours, mais aussi une part d’ombre. La maladie, les amours impossibles, la mort, le deuil, la différence… Pourquoi avoir choisi de raconter aussi cette souffrance, ces côtés moins lumineux de l’expérience humaine ?
Mickaël Brun- Arnaud : Parce qu’on la vit, ce serait tellement bête de la nier. Parce qu’on a tendance parfois, en tant qu’adultes, à sous-évaluer ce que les enfants comprennent, dans la relation à l’autre. Ils sont témoins de nos victoires comme de nos défaites, de nos résiliences. Et finalement, ils absorbent beaucoup plus que ce qu’on peut penser. Je pense que finalement, c’est plus terrible encore de le cacher, alors qu’ils en font véritablement l’expérience. Le mettre ici (dans un livre), et c’est fait de manière inconsciente à l’écriture, et je le comprends en étant publié et en rencontrant les gens, ça permet de libérer le discours. La parole est libérée. Finalement, comme c’est dans le livre, on va être obligés d’en parler en famille, en fait. C’est obligatoire. C’est là.
Je pense que j’ai été en quelque sorte surprotégé enfant et au moment de ressentir mes premiers deuils, mes premières résiliences, je pense que ça a été pour moi un bouleversement total. Quand j’ai vécu mon premier deuil, j’étais très âgé, j’avais 25 ans, et je n’étais pas prêt du tout. J’aurais aimé avoir la possibilité de voir si je voulais voir, en étant plus petit, et que ce soit n’importe quelle difficulté… De pouvoir y faire face.
Nos enfants intérieurs font aussi partie de générations protégées, cachées et je pense qu’aujourd’hui, c’est beaucoup plus libre.
Pascale Clavel : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre prochain album qui paraîtra bientôt au Québec : Le croque-en-murs ?
Mickaël Brun-Arnaud : Le croque-en murs, c’est ce personnage très énigmatique qui vient au village de Grand-Terrier chaque fois que quelqu’un disparaît et qu’il n’y a pas de famille pour savoir ce qu’on fait des affaires de la personne disparue. C’est un sujet très précis et très étrange.
J’ai même un petit peu menti en disant que j’avais écrit ce livre que pour Jérémy (l’illustrateur) (rires). Je l’ai aussi écrit pour mon conjoint qui a perdu son grand-père en 2022. Il y a eu quelque chose qu’on n’imagine pas, je pense, quand il y a quelqu’un qui disparaît. On dit toujours que, quand quelqu’un disparaît, on ne sait pas toujours ce qui disparaît. Une part de nous disparaît avec cette personne. On ne sait pas vraiment ce qui s’en va, ce qui va vraiment nous manquer, mais on sait que quelque chose va nous rendre extrêmement mélancolique lorsqu’il y avait beaucoup d’amour.
Mais, il y a la question de ce qui reste. Et ce qui reste, c’est des objets. Il y a ceux qui veulent tout garder. Il y a ce poids émotionnel de l’objet. Il y a des maisons. Et en fait, ça prend un poids extrêmement lourd dans notre quotidien. Mon mari s’est retrouvé à gérer une maison pleine. Pleine de souvenirs, d’objets. Finalement, on est passés par différents stades. Premier stade où on veut à tout prix garder et ce stade où on veut se débarrasser, mais où on culpabilise énormément. J’ai compris que nos investissements émotionnels sont prolongés aux objets. Je me suis dis, je vais écrire cette histoire-là pour ces maisons vidées et encore pleines de souvenirs et d’amour. C’est comme ça qu’est né Le croque-en-murs.
Et finalement, c’est en écrivant qu’il est aussi devenu un discours sur la différence. Il y a un petit lapereau qui s’appelle Edgar, qui est un peu différent. Ce qui fait que l’histoire, c’est aussi une rencontre entre deux solitudes.
Pascale Clavel : Merci beaucoup, Mickaël, pour ce moment passé ensemble !
Pssst ! Sachez que le Croque-en-murs de Mickaël Brun-Arnaud et Jérémy Pailler sera disponible le 30 avril au Québec!
Pour vous procurer le Croque-en-murs et les quatre romans Mémoires de la forêt, c’est ici :





Merci, Pascale, de m’avoir mieux fait connaître cet homme multi-facettes.♥️
Avec plaisir, Roxane ! On a bien hâte de faire connaître quatre autres femmes multi-facettes, mais version audio et vidéo… 😉