Si madame Coucou s’assume, moi aussi!

J’ai vécu un malaise récemment, lors de l’une de mes heures du conte plutôt « achalandée »…

Depuis les débuts d’Un Autre Blogue de Maman, ce genre de remises en question peuvent se compter sur les doigts d’une main… J’avais choisi l’album « Tu peux » d’Elise Gravel, véritable éloge à la diversité où l’on propose aux enfants d’être ce qu’ils veulent, peu importe s’ils sont nés filles ou garçons…

Je trouvais l’idée simple, naturelle et brillante. On peut être sensible et être un garçon (vraiment plus qu’assez de la masculinité toxique!); on peut être une fille et vouloir revêtir un costume de super-héros… Bref, vous comprenez.

Toujours est-il que lorsque j’ai débuté la lecture devant un groupe de parents (et leur progéniture) plus nombreux qu’à l’habitude et que j’ai identifié un nombre considérable de papas dans cette joyeuse assemblée, je me suis mis à douter de mon choix d’album jeunesse. Comme ça, sans crier gare, une boule s’est vicieusement formée au creux de mon ventre. J’approchais de la page qui fait sourire ma choupinette : celle où l’on voit un petit garçon déguisé en princesse. Moi, je la trouve parfaite, cette illustration. Mais les parents qui se trouvaient en face de moi étaient-ils prêts à bien recevoir cette partie de l’histoire?

Allais-je créer un malaise chez ces hommes avec leurs fils? Comment allaient-ils réagir? J’imaginais déjà certains pères s’agiter nerveusement sur leurs chaises ou pire, quitter la salle en douce, en agrippant subtilement, mais fermement, la petite main de leur enfant…

Rien de tel n’est arrivé, mais, le malaise, je l’ai quand même vu passer dans certaines paires d’yeux masculines. Trois micro secondes où ces pauvres papas ne savaient plus où se mettre. Et c’est tout. Pas de cailloux, de tomates ou de « choux  » bien sonores… Personne n’oserait, au fond, grâce au ciel.

N’empêche que j’ai perdu ma belle assurance pour le reste de la lecture. Inquiète. Soucieuse. Je sais, cela peut paraître ridicule! J’ai 38 ans, autant dire que j’en ai 40, alors, il serait plus que temps que je m’assume dans mes valeurs et mes convictions. Mes ateliers devraient être le reflet de ce qui me tient à cœur, que cela en plaise ou non à certaines personnes.

Je me suis posé sérieusement la question durant le trajet du retour, en voiture : est-ce que les gens sont prêts, en 2019, à trouver naturel qu’un garçon veuille lui aussi se déguiser en princesse? On ne parle même pas d’homosexualité ou de transgenrisme ici. Ou peut-être que oui, au fond. Pourquoi pas, en fait.

Je croyais que cela était simple! Mais il suffit de sortir de sa petite bulle personnelle et familiale pour se rendre compte que la réalité n’est pas tout à fait à l’image de tous ces beaux principes d’ouverture et d’acceptation de soi que l’on partage allègrement sur les réseaux sociaux. Le papa « moyen », celui que l’on croise à l’épicerie avec ses petits, est-il oui ou non à l’aise avec une définition de la masculinité qui fait fi des stéréotypes? En d’autres mots, croit-il qu’il y a autant de façons d’être un gars qu’il y a d’individus sur terre et, même chose pour les filles.

Devant ce symbole puissant du petit garçon déguisé en princesse, quelle sera sa réaction première? Et celle, plus « intellectualisée », tout de suite après?

Puis, c’est à ce moment précis que j’ai pensé à madame Coucou. À son homosexualité si bien amenée dans l’épisode de Passe-partout où elle présente son bébé Cachou à Cannelle et Pruneau. Le moment où l’on apprend qu’elle a une amoureuse et non un amoureux et que la dite amoureuse s’appelle Dorine (quel joli prénom, en passant…) Le moment où elle accueille si naturellement la réaction de Pruneau (« Hein, pas de papa? ») comme on accueille si gentiment et doucement cette authenticité rafraîchissante et si agréablement singulière de nos enfants.

Le malaise? Quel malaise? On nomme, on explique, on poursuit. On ne justifie rien. On est, c’est tout. Dans la première mouture de Passe-Partout, on abordait pour la première fois le chômage comme pouvant aussi faire partie de la « bonne petite famille québécoise ». Pour la première fois, on permettait à Perlin de perdre patience avec ses enfants, d’exprimer publiquement et ouvertement son désarroi, sa colère. Puis, dans un autre épisode, on apprenait que les parents de Mélodie étaient séparés. Le personnage de Virgule, quant à lui, venait gracieusement écraser le cliché voulant que seules le filles aient les capacités de garder et de bien s’occuper des enfants.

La bonne télé éducative se fait un devoir de véhiculer les valeurs « toutes neuves » d’une époque, celles que l’on devraient adopter, mais qui ont parfois de la difficulté à faire leur chemin. Tout comme la littérature jeunesse, elle sème de petites graines dans les esprits et les cœurs, dans l’espoir (si mince soit-il) d’une floraison. Le malaise, il est peut-être nécessaire au fond. Suffit de s’y exposer assez souvent pour le dissiper.

Vous allez me dire que l’homosexualité, l’identité de genre ou les simples jeux d’enfants, ce sont trois choses différentes. C’est vrai. Mais ils sont tout trois générateurs d’inconfort à leurs heures…

Alors c’est pourquoi madame Coucou et moi, on a décidé de s’assumer. Et d’accepter de créer un léger malaise pour mieux se respecter et avancer.

En nommant, en expliquant, en poursuivant, tout bonnement. Surtout pas en se justifiant.

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Crédit, photo à la une : Télé-Québec

Pascale Clavel
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