« T’es une p’tite qui? Tu viens d’où? »
Quand les gens me demandent d’où je viens, j’ai toujours un petit moment d’hésitation. Bien souvent, j’ai envie de leur répondre gentiment: « Est-ce vraiment important? »
Mais à bien y penser, je me rends compte que oui, ça l’est! Les endroits où j’ai habité, là où je suis restée assez longtemps pour y plonger mes racines, je les porte encore en moi.
De nature sensible (voire hypersensible), les lieux s’avèrent pour moi porteurs de couleurs, d’odeurs, de joies, de blessures, de brisures… Ils me façonnent de l’intérieur alors que je n’ai pas la prétention d’y laisser ma trace de quelque façon que ce soit. C’est une relation à sens unique, mais celle qui donne est tellement généreuse…
D’où je viens? Peut-on venir de plusieurs endroits à la fois?
Pour plein de raisons, j’ai eu à bouger beaucoup ces dernières années. Mais détrompez-vous, je ne suis pas de celles qui ont fait le tour du monde avant leur 25e anniversaire (pas de bibittes au chocolat ou de nuits passées dans un abri de fortune à me geler les fesses dans le désert pour moi). J’ai bougé, c’est tout et surtout, j’ai posé mes valises assez longtemps pour ajouter des annexes à mon identité québécoise.
Avec les événements d’hier, j’ai la nostalgie remontante. J’ai envie de prendre le temps de dire merci à ces lieux qui m’ont portée, bon gré mal gré, et qui ont forgé ma tête et mon coeur pour faire de moi une presqu’adulte qui a envie de donner en retour.
Comment ne pas commencer par la ville de mon enfance? Valleyfield m’a vue grandir, faire de mauvais choix, me relever, tomber amoureuse, me briser le coeur. L’école primaire Frédéric-Girard a su faire fleurir mes aspirations d’enfant, mes bourgeons de rêve à peine présents. L’école secondaire de la Baie Saint-François m’a forcée à sortir de ma coquille, m’a poussée à grandir, à devenir. Je lui en serai d’ailleurs éternellement reconnaissante.
Aujourd’hui, je me définis fièrement comme Sherbrookoise. Pourquoi? Parce que je me sens redevable pour ce sentiment d’appartenance que cette ville m’offre enfin. Nous y avons trouvé notre maison, un nid pour notre famille, un endroit où l’on a vraiment le temps de dire ouf en se laissant aller… Sherbrooke est à la fois grande et petite, on a tout ce qu’il faut, je peux parler à mon voisin sans avoir l’air d’être en manque d’attention… Ma fille a des compagnons de jeu (ou de chicane, ça dépend) dès qu’elle traverse la rue… Elle y forgera son enfance et son adolescence et ça, ça n’a pas de prix.
Je suis aussi Montréalaise, une Montréalaise de passage, mais peut-on vraiment dire cela après 10 ans de vie d’appart dans Côte-des-Neiges? Ce que je garde de toi, Montréal? Une impression de liberté, un sentiment de plénitude. C’était une période de découvertes, sous toutes ses formes, de mouvements, une danse frénétique teintée de sauts dans le vide. Cette ville, je l’ai jogguée, respirée, partagée à l’excès; c’était le règne de l’amitié, de la franche camaraderie qui me servait de filet antichute à un moment où la famille était loin, où j’essayais de me prouver que je n’avais plus besoin d’elle… J’y ai trouvé l’amour (juste à temps).
Je suis aussi Française, oui oui, Française, ne riez pas! J’ai habité Montpellier pendant 4 longs mois et Rennes pendant trois ans (in and out). La première fois, j’étais fauchée et je calculais mes dépenses à même ma bourse de mobilité (et la générosité de mes parents).
À lire, si le coeur vous en dit : Prendre le temps…
Je vous parlerai de la France telle que je l’ai ressentie la première fois, à travers la voix de mes souvenirs et non à travers celle de la raison.
J’y ai découvert la culture du cute, du raffiné, du mimi. On y met de l’avant le beau avant le rentable (l’historique avant le pratique). On a l’impression de vivre dans une carte postale, un roman de cape et d’épée ou un conte de fée, mais les gens là-bas ne s’en rendent pas toujours compte, parce que trop habitués, et ce, même s’ils sont conscients de la beauté de leur pays. La gourmandise qui m’habite depuis toujours y a atteint son paroxysme en l’espace de quelques jours seulement.
Il y a aussi de ces lieux où l’on pose à peine le pied, mais où l’on se sent tout de suite chez soi… comme Bruxelles. La guerre ne nous émeut pas moins lorsqu’elle se passe loin de chez nous; c’est simplement qu’elle a moins d’emprise sur nos souvenirs…
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