Mia et sa maman, c’est à fois toutes les petites filles et toutes les mamans. C’est un peu de moi, un peu de vous, un peu de tous les enfants qui ont croisé mon chemin… Ce sont les histoires que j’invente, les idées qui me viennent.
Je vais les faire grandir et évoluer pour vous ici, sur le blogue. Ce sera mon atelier de création et, allez savoir si elles sauront toucher votre cœur comme elle l’ont fait le jour où j’ai décidé de leur inventer une vie, une âme… Elles vous feront parfois rire, parfois pleurer… Mais, une chose est sûre : elles vous raconteront tout, dans les moindres détails : leurs souvenirs, leurs petits et grands bonheurs, leurs peines et leurs blessures… Dans l’espoir que cela vous parle…
Je m’appelle Mia et j’ai 9 ans, presque 10. Pour plusieurs, je suis encore une enfant, mais, pourtant, je me sens grande dans ma tête. C’est comme si j’étais prise là en attendant de devenir quelqu’un. Puis, en même temps, je n’ai pas encore envie d’être une adulte. Je ne sais même pas d’ailleurs si un jour, ça va arriver. Je suis quand même bien là où je suis, parce que, des fois, les adultes, je ne comprends pas trop ce qu’ils font ni ce qu’ils veulent.
Ma mère dit que je suis mature pour mon âge et moi, je trouve qu’elle est jeune pour le sien. C’est comme si elle comprenait vraiment ce que c’était que d’avoir 9 ans. Des fois, quand elle me parle, je me dis : “Ah, cette fois, c’est ma mère adulte qui me parle.” D’autres fois, on dirait que c’est comme si elle avait mon âge. Je l’aime, maman. Papa aussi, mais je vous en parlerai peut-être plus tard. Pour maintenant, ce ne sera que maman et moi.
Ma mère dit aussi que je parle avec éloquence pour une si petite personne, qu’elle n’en revient pas à quel point la collection de mots qui s’agitent dans ma tête s’agrandit de jour en jour. Je lui dis que c’est parce que je parle avec mon cœur et que c’est pour ça; il a beaucoup de choses à dire, mon cœur. Dans ces moments-là, ma mère rit, ses yeux deviennent deux fentes de diamants et on ne voit qu’un peu de bleu qui brille. Elle rit de son rire cristallin qui inonde la pièce, comme la lumière du soleil qui pénètre par les fenêtres. Et là, je voudrais que ça ne s’arrête jamais, que le temps se fige et nous enveloppe dans une boule de verre translucide, comme deux petites patineuses, bien à l’abri dans leur globe sous la neige artificielle qui flotte tout doucement autour d’elles.
Ma mère me répète constamment que je suis jolie. Je me dis que c’est ce les mères doivent dire à leurs filles. Elle sort ensuite son collier de mots qui scintillent quand il est question des filles et de la beauté; elle me dit que je suis intelligente, rayonnante, magnifique et forte, mais, au fond, j’ai l’impression que si on n’est pas belles, on ne pourra jamais faire tout ce qu’on veut dans la vie…
Je vous le dis à vous, parce que je sais qu’elle ne serait pas d’accord. Elle me dirait que ce n’est pas vrai du tout et que les filles les plus lumineuses sont celles qui cultivent les étoiles dans leurs yeux et qui continuent de danser malgré la tempête. Quand elle parle comme ça, ma mère, c’est qu’elle a quelque chose d’important à dire. J’avoue que je comprends, mais j’aimerais qu’elle m’explique comment on fait pour faire pousser des étoiles dans nos yeux et pour danser dehors sans parapluie. En tout cas.
Mes traits, ce sont ceux de mon père. J’ai de grands yeux marron, le visage comme celui d’une libellule, en forme de triangle inversé, mais j’ai le sourire de ma mère, paraît-il. Et, maman et moi, on a les mêmes cheveux brun clair. Papa dit que notre chevelure de licorne (ha! ha!), c’est du jamais vu. Il faut dire qu’on en a tellement, des mèches qui se croisent et qui s’embrouillent! Je lui réponds alors que, si je pouvais, j’en aurais un peu moins, des cheveux, parce qu’ils s’emmêlent toujours et qu’ils ne veulent jamais m’écouter! Comment fait-on pour devenir dompteuse de mèches rebelles, pour qu’elles finissent droites et magnifiquement lisses comme celles des filles à la télé?
Ce que j’aime le plus de maman, ce sont les histoires qu’elle me raconte. Elle est enseignante de première année à mon école. Elle apprend aux enfants à lire, écrire, compter et aussi “à devenir de meilleurs êtres humains”, comme elle dit. À la fin de la journée, on marche ensembles jusqu’à la maison et elle me raconte une histoire captivante. On longe le petit boisé et nos voix se perdent dans le bruissement des feuilles l’été et les cris des geais bleus l’hiver. Je lui demande toujours : “Et puis, qu’est-ce que Maximilien a fait, aujourd’hui?” Maximilien, c’est un petit blond coquin qui a la tête dans les nuages et le cœur tout plein de noir parce qu’il n’a plus de maman. Tous les jours, il fait des bêtises, mais maman l’aime bien…
Avant j’étais jalouse de tous ces enfants dont maman me parlait. Pourquoi aurait-il fallu que je la partage avec vingt élèves plus mignons et plus jeunes, alors que les autres avaient leur mère pour eux tout seuls? Le soir, sous la lampe berbère de la salle à dîner, quand elle corrigeait les cahiers de dictées avec son beau stylo rouge et qu’elle apposait de jolis autocollants en forme de dinosaures ou d’animaux de la savane, je me disais : “En tout cas, ils ne savent écrire que quelques mots, alors que moi, je fais des phrases complètes et j’ai toujours tout bien! Pffffff…”
Mais, maintenant, ça ne me fait rien. Ça ne me fait rien, parce qu’elle m’invite souvent dans sa classe avec d’autres grands pour l’aider à faire des bricolages (un peu compliqués pour les petits doigts des première année) ou tout simplement pour ranger des papiers importants dans le gros classeur gris aux tiroirs qui pèsent une tonne. C’est devenu notre classe à toutes les deux; ses élèves, je ne le dis à personne, mais c’est aussi un peu les miens…
Des fois, tante Audrey et mamie Flaure disent que ma mère devrait faire “quelque chose de mieux de sa vie”. Qu’avec sa formation et tout son potentiel, elle aurait pu être un médecin ou une brillante femme d’affaires, ou, à tout le moins, enseigner au cegep ou à l’université. Dans ces moments-là, maman se concentre sur ce qu’elle fait, elle brasse le chili du souper, ajoute de la coriandre et me fait un clin d’œil en souriant. Papa, lui, il change de pièce.
Moi, je serre les poings. J’aurais envie de leur crier que ce n’est vraiment pas facile d’être prof de primaire, qu’il faut faire écrire des enfants qui ne traçaient que des gribouillis de bébés jusqu’alors dans des petits trottoirs gros comme ça! Qu’il faut leur faire comprendre que 2 et 3 font 5, juste avec des petits cubes de couleur qui tombent partout, tout le temps et qui roulent sous les pupitres! Et puis, Maximilien, il en a déjà avalé un, petit cube et maman a dû appeler son père pour qu’il l’emmène à l’hôpital! Et puis là, maman s’est fait crier dessus par le papa de Maximilien alors que ce n’était même pas sa faute!
Vous en connaissez, vous, des gens capables d’aimer quand même des enfants qui avalent des petits cubes de couleurs ou qui renversent de la peinture sur les dessins des autres, comme, ça, juste pour voir? Seriez-vous capables, vous, de leur mettre quand même des autocollants en forme de dinosaure dans leur cahier de dictée? Même s’ils n’ont pas tout bien, “pour les encourager”?
Quand je vous disais que je ne comprenais pas les adultes…
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Très touchant ce texte. Mamie Danielle a raison quand elle dit que ça pourrait finir par un roman. Tu es dans la bonne voie. Mes Félicitations!
Merci Céline! C’est vraiment un projet qui me tient à coeur et c’est quelque chose qui m’habite en ce moment…
Mon Dieu quel talent ! Que c est beau et émouvant chère Pascale !
À mon avis, ça pourrait finir par un roman à l intention des enfants comme ceux de La courte échelle dans le temps !