Aborder la sexualité avec la littérature jeunesse

Je me souviens de ma sixième année du primaire, alors qu’une infirmière venait nous rendre visite pour nous parler de notre imminente puberté… Appelons-la Claudine, pour les besoins de la cause. 😉 On séparait les garçons des filles afin que ce soit moins gênant de lui poser nos questions… J’ai un vague souvenir d’avoir jasé en toute ouverture de la poussée de mes seins encore riquiqui, alors que tous les élèves avaient quitté la classe. J’étais avec ma meilleure amie et on avait retenu Claudine avec nos rires nerveux et nos petites histoires de pré-ados…

Par la suite, en secondaire un, je me donnais à fond dans les cours de formation personnelle et sociale, car c’était une matière “facile” et je souhaitais garder ma moyenne coûte que coûte afin de conserver mon titre de la détentrice du plus grand nombre de méritas de mon niveau… #petiteambitieuse. J’apprenais donc toutes les parties de la vulve, du vagin et du pénis par cœur et j’avais même fait un petit tableau afin de retenir toutes les caractéristiques des maladies transmises sexuellement… J’ai conservé mon titre, mais j’avoue ne pas avoir été toujours hyper à l’aise de parler “de sexe” en classe. Mes tentatives ne nourrissaient qu’une seule quête : avoir mes points de participation! 😉 

Toujours est-il que je ne me rappelle pas avoir parlé de “zizis” ou de “comment on fait les bébés” avant, quand j’étais petite, avec mes parents. On avait bien le fameux livre “Venir au monde” édité dans les années 90 par la courte échelle, mais…

Autre fait saillant de mon enfance un peu insignifiante à vos yeux, je vous l’accorde : j’avais décidé, un matin, que je ne porterais plus de chandail quand j’allais jouer dehors l’été; mes petits voisins le faisaient bien, alors pourquoi je ne pouvais pas me promener torse nu moi aussi, sous prétexte que j’étais une fille! Mon pauvre petit être criait à l’injustice. Même chose pour mon incapacité à “pisser debout” comme les garçons. Aujourd’hui, je ris de ces épisodes totalement normaux quant au développement des enfants, mais n’en demeure pas moins que je suis bien heureuse que les temps aient changé depuis les années 80!

Après cet interminable préambule (ouf!), je vous propose aujourd’hui une liste de livres pour enfants et ados susceptibles de vous épauler afin de mieux répondre aux questions de vos p’tits minous qui veulent tout savoir! Je sais que le malaise est souvent au rendez-vous quand on aborde la sexualité avec nos enfants, mais les livres jeunesse représentent justement un excellent moyen d’appuyer nos dires, d’alimenter la discussion et de nous supporter dans notre rôle de parent en créant une fine distance nécessaire à l’échange.

Et, si vous êtes enseignantes au primaire ou au secondaire, vous y trouverez là de vrais bijoux à aborder en classe l’année prochaine!

Merci à la Biblairie GGC pour cette collaboration! Pour vous procurer les livres, il suffit de cliquer sur les images.

Pour les enfants

Comment on fait les bébés?, Isabelle Jameson et Maud Legrand, éditions les 400 coups, dès 3 ans

Voici une histoire toute simple et toute mignonne qui met en vedette un petit garçon curieux qui pose LA question à ses parents. Comment réagiront-ils? Vont-ils lui dire la vérité ou sombrer dans les mythes saugrenus mettant en scène cigognes, abeilles et feuilles de choux?

Ce qui est intéressant dans cet album, ce sont les pages sans texte qui font en sorte que nous prenons une pause afin de bien sentir la réaction des parents, leur temps de réflexion avant de répondre. Ils se parlent à voix basse derrière les grandes pages de leur journal, sur le divan, pendant que leur garçon attend patiemment. Je vous invite à poursuivre la narration ou même à demander à votre mini ce qui se passe dans ces pages sans texte, mais extrêmement “parlantes”.

Alors qu’ils se lancent dans des explications tout en métaphores et en images, le petit garçon, lui, ne semble jamais satisfait. Je crois qu’il s’agit d’une belle piste d’exploitation afin de demander à nos enfants s’ils croient vraiment que les explications données par les parents sont vraies! De cette façon, nous prenons conscience du degré de maturité psychologique de nos cocos afin de découvrir ce qu’ils sont vraiment prêts à entendre…

Ma sœur veut un zizi, Fabrice Boulanger, éditions de la Bagnole, collection Klaxon, dès 3 ans

Il s’agit d’une histoire franchement rigolote où l’on balaie joyeusement du revers de la main tous les tabous concernant la nudité! Les illustrations de l’auteur dévoilent toutes les parties de l’anatomie des tout-petits ( et même des plus grands) sans exception, ce qui a pour effet de dissiper le malaise autour de  la nudité et des fameuses “parties intimes”. Un pénis, une vulve, un sein, un bras, une jambe, un pied… Ce sont des parties du corps comme toutes les autres. 🙂

Pour ce qui est de la petite histoire, elle est toute simple et fait écho à ce qui ce passe dans les meilleures familles… 😉 Un petit garçon en a tout simplement assez que sa petite sœur veuille sans cesse voir et toucher son “zizi”! Comme elle n’en a pas et qu’elle se rend compte que cette partie du corps est différente de la sienne, elle redouble d’ardeur et de curiosité dans ses “assauts.”

Le petit garçon et les parents tentent de trouver des solutions à leur niveau (comme écrire au Père-Noël pour demander un zizi en cadeau!), mais la petite puce aura tôt fait de jeter son dévolu sur un tout autre objet de convoitise…

Comme les sexologues proposent de bien nommer chacune des parties du corps afin, encore une fois, de ne pas ouvrir la porte au malaise quand il est question de sexualité, je vous suggère de changer volontairement le mot “zizi” (qui a probablement été choisi afin de mieux servir le côté humoristique de l’histoire) par celui de pénis. Vous pourriez même solliciter la collaboration de votre enfant, même si cela provoque son lot de petits fous rires!

Cet album se veut aussi une excellente occasion de parler de consentement et de touchers désirés ou non, en l’occurrence, dans la fratrie. Afin d’approfondir le sujet et d’éviter les faux pas, je vous recommande chaudement les livres de la célèbre sexologue Jocelyne Robert!

Princesse Kevin, Michaël Escoffier, Roland Garrigue, Éditions p’titGlénat, dès 5 ans

Cet album merveilleux parle d’un petit garçon qui souhaite se déguiser en princesse pour le carnaval de fin d’année de l’école. Les autres se moquent de lui, mais il n’en a rien à faire! Il veut être une princesse et il le sera! Sa sœur l’aide à trouver tout l’attirail nécessaire pour cette splendide métamorphose et le résultat est assez satisfaisant. Mais comme les autres garçons sont bêtes! Comme toutes les princesses, Kevin veut tenir la main d’un chevalier, mais aucun garçon n’a envie d’être choisi par Kevin dans la cour de récréation… “Ils croient sans doute que c’est contagieux. Que s’ils touchent Kevin, ils se transformeront en princesse à leur tour.”

Cet album aborde l’ouverture aux autres et l’identité de genre avec beaucoup de doigté et de naturel. Notre coco aura donc tout le loisir d’être et de devenir ce qu’il souhaite, peu importe s’il est un garçon ou une fille!

Ce qui est merveilleux, c’est que même si Kevin veut être une princesse, il se rend compte que son costume le gêne vraiment, que ses souliers lui font mal aux pieds, que sa robe le fait trébucher… Kevin n’est donc pas différent des autres enfants qui font passer le jeu et le plaisir avant tout le reste, princesse ou pas! 🙂

Le coq qui voulait être une poule, Carine Paquin, Laurence Dechassey, les éditions Michel Quintin, 3 ans et plus

Le sujet de l’identité de genre et de la transsexualité sont ici évoqués sans trop de subtilité et c’est tant mieux! George est un jeune poussin comme les autres, mais sa crête de coq toute mini provoque les moqueries… De même que ses Co-co-ri-co qui ressemblent davantage à des cot-cot… Et puis, quand sa queue de “coq plus mature” se met à pousser, George est horrifié; il n’en veut pas, de cette queue flamboyante, donc, il l’arrache, plume par plume… C’est que George se sent davantage comme une poulette et non comme un coq… Il se crée d’ailleurs un look plutôt réussi en grandissant, tellement réussi qu’il dupera le fermier et arrivera à se sauver d’un triste sort! Comme quoi, être différent comporte aussi son lot d’avantages et qu’assumer pleinement qui l’on est demeure toujours la meilleure solution, peu importe ce qu’en pensent les autres!

Ce album, tout comme celui d’Escoffier, représente une merveilleuse façon d’ouvrir nos enfants à la différence et à la multitude de possibilités de vivre son identité et sa sexualité. Toujours en respectant le degré de maturité de nos minis, on leur envoie tout simplement le message qu’un garçon qui se sent comme une fille et vice versa, c’est possible et qu’il n’y a rien de répréhensible dans cette réalité. On contribue ainsi à forger un être humain empathique, mais aussi ouvert et épanoui qui tissera des relations saines avec les autres.

Pour les adolescents

Tout nu, le dictionnaire bienveillant de la sexualité, Myriam Daguzan Bernier, éditions Cardinal, à partir de 12 ans

Ce dictionnaire est une véritable bénédiction! Comme les sujets sont classés par ordre alphabétique, notre adolescent (ou pré-adolescent) peut l’éplucher à sa guise en allant directement à ce qui l’intéresse. Parfois, une question fuse, un mot fait son apparition avec les copains, à la télé, sur le net, dans les échanges textos… On n’a pas toujours envie d’en parler directement avec nos parents, mais si le dictionnaire traîne sur la table du salon… Ou dans une bibliothèque accessible à tous…

On peut aussi s’asseoir avec notre ado si l’occasion se présente…

Les sujets sont tellement variés! Bisexualité, condom, consentement, hymen, plaisir, polyamour, pornographie… Le spectre est large et on adore! Je dois d’ailleurs dire que je m’amuse à parfaire ma culture “sexuelle” grâce à cette nouvelle acquisition… Afin de ne pas me faire dire que je ne connais rien de la vie quand mes enfants seront plus grands… 😉

La série Lily-la-lune, Amélie Bibeau, éditions Vent d’Ouest, 10 ans et plus

Cette série de romans est tout simplement nécessaire quand vient le temps d’aborder la question du consentement avec nos filles, mais aussi nos garçons. Lili (Coralie), 14 ans vit un premier amour avec un garçon plus vieux, Marc.

Elle apprivoise les touchers, les baisers, les caresses… Mais elle se rend compte que, parfois, elle n’a pas toujours envie de répondre aux avances de Marc. Ses deux amies “plus mûres” lui suggèrent d’être moins “froide” et de se montrer plus affectueuse afin de ne pas perdre Marc. Elle se demande toutefois si cela en vaut la peine… L’aime-t-elle vraiment? Qu’est-ce que l’amour, au fond? Et puis, il y a Pierre-Antoine Lepage, son ami de toujours qui lui donne de drôles de frissons quand il est tout près…

Un soir, Lili décide de suivre les conseils de ses amies et se retire avec Marc dans la chambre d’Évelyne, sa best, lors d’un party bien arrosé… Alors qu’il impose un peu trop intensément son désir, Lili lui dit non, mais Marc fait la sourde oreille…

Voilà des romans tout indiqués afin d’aborder les notions d’agression sexuelle, de viol. Doit-il y avoir pénétration pour qu’il y ait agression? Après avoir dit oui, est-ce qu’on peut dire non et changer d’idée? Est-on responsable d’un toucher non désiré?

À la suite de cet événement douloureux, Lili doit vivre avec les souvenirs de l’agression et les autres tomes de la série nous révèlent une jeune fille fragilisée et blessée qui tente de tourner la page à l’aide de ses amis. Elle vit une vraie belle et merveilleuse histoire d’amour avec Pierre-Antoine, mais dès qu’il tente de se rapprocher physiquement, Lili se braque, incapable d’aller plus loin. Elle croit qu’un régime draconien lui permettra de cesser d’être dégoûtée de son corps qui change, mais aussi qui a été souillé par Marc… Le thème de l’anorexie est ainsi soulevé avec habileté, finesse et clairvoyance.

Cette série m’a littéralement captivée, au point où je n’arrivais plus à refermer les livres une fois ouverts… Je me suis couchée très tard afin de terminer le deuxième tome et le même scénario s’est produit pour le troisième, alors que l’auteure ajoute l’homosexualité et l’homophobie à son répertoire de sujets délicats abordés avec brio…

À LIRE : L’avis de nos collaboratrices (Pourquoi les filles ont mal au ventre…)

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Pascale Clavel
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