L’esprit de l’Halloween, un peu comme l’esprit des fêtes, ça se prépare! Quand une amie française m’a demandé ce que c’était vraiment, l’Halloween, je me suis sentie envahie par un souvenir d’enfance aux couleurs et aux odeurs très précises : j’étais dehors, à la noirceur, le bout du nez gelé, bien emmitouflée dans mon costume de sorcière (habit de neige en-dessous!) Quelques flocons audacieux venaient valser dans le halo des lampadaires et nous foulions le sol à grandes enjambées, ma soeur, ma cousine, mes voisins et moi… Nous étions en train de faire la quête la plus importante de notre vie; celle des friandises, oui, mais aussi celle du bonheur, de la liberté. Comme autant de petits Jack Skelington, nous étions les rois de la nuit.
Cette année, je me suis rendu compte que j’avais vraiment investi dans les décorations d’Halloween! Encore plus que pour Noël dernier! C’est que, voyez-vous, c’est la première fois que ma fille allait « courir » l’Halloween. Du moins, c’est comme ça qu’on définissait notre avancée euphorique à travers les rues du quartier quand j’étais petite. Mon père et notre voisin, nos chiens en laisse, fermaient cet étrange cortège et nous emmenaient partout où il y avait de la lumière.
« Oui, mais papa, il n’y a pas de citrouille devant cette maison-là », que je disais. « C’est pas grave, il y a de la lumière », qu’il me répondait, bien décidé à nous faire vivre à fond cette fameuse nuit où le temps s’arrête, où tout est permis. Parfois, les propriétaires de ces maisons nues de leur tenue d’apparat orange et noire nous ouvraient quand même. Ils nous donnaient alors une pomme, des arachides, un sourire. C’était bien avant les histoires d’horreur de lames de rasoir et d’allergie…
« L’Halloween, pour un enfant, c’est du sérieux! », que j’ai tenté d’expliquer à mon amie, alors qu’on avait posé nos valises en terre européenne pour quelques mois. Pourquoi? Parce que c’est la première fois ou presque, qu’il arrive à posséder quelque chose, à avoir entre ses mains un butin bien à lui, qu’il a ramassé à la sueur de son petit front de débutant dans ce monde où ce sont les adultes qui donnent, enlèvent, décident…
À la manière d’un carnaval, le temps d’une soirée, les rôles sont inversés. Ce sont les enfants, les premiers acteurs de cette fête. D’abord dans la préparation : « En quoi tu veux te déguiser, cette année? » Ou encore : « As-tu pensé à ton maquillage? » Puis, dans le feu de l’action : « Bon, quelle maison on fait, maintenant? » On explore de nouvelles contrées en découvrant des racoins de la ville qu’on n’avait jamais vus avant! On mange des sucreries en dépassant largement le stade du raisonnable. On se couche tard, même s’il y a école le lendemain! Pour une fois, on a le pouvoir. Pour une fois, on a le droit.
Je me souviens aussi de la frénésie qui habitait notre cuisine, quelques jours avant. On vidait les citrouilles, rituel ô combien sacré et tellement attendu. « Fais-lui des yeux, papa! Comme, ça! Comme ça, papa! », qu’on criait, en sautillant dangereusement sur les banquettes. Puis, après avoir fait notre propre sachet de bonbons (un chocolat, un paquet « de pilules », deux « tires Sainte-Catherine », une « gomme »), on faisait ceux des autres. Du même coup, on apprenait le partage. Celui de tous ces trésors sucrés, certes, mais aussi celui de notre mère (et de son amour), parce qu’elle allait ouvrir la porte de notre maison à des « nouveaux » enfants, qu’elle allait leur réserver des petits mots gentils, des compliments sur leur costume, des sourires qui, jusqu’alors, nous étaient exclusivement adressés…
Alors cette année, c’est tout ça que je voudrais transmettre à ma fille. C’est cette magie d’une nuit, ce « conte pour tous » dont on se souvient de chacun des mots, de sa joyeuse mélodie qui fait chanter nos coeurs d’adultes à chaque 31 octobre… Parce qu’à l’ Halloween, l’esprit de communauté renaît de ses cendres et c’est tout un village qui nous ouvre sa porte…
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