Par Elyse Gagnon-Pelletier
Dans mon billet précédent, je partageais des trucs concrets pour vous aider à accompagner vos tout-petits dans le développement de saines habitudes alimentaires.
Aujourd’hui, je vous partage le secret du succès de la politique alimentaire chez Hibouge et Bilingo, notre garderie maternelle (et ma grande fierté!)
Tout d’abord, le rythme de la période du dîner permet un temps suffisamment long pour que chacun puisse explorer à sa guise. Ensuite, ce repas en trois services propose une variété d’aliments colorés fortement inspirants et invitants. Enfin l’individualité toujours mise de l’avant signifie que jamais un enfant ne sera forcé à manger ni même à goûter un élément du repas. Nous misons plutôt sur la fréquence de l’exposition aux différents aliments et sur le pouvoir de persuasion du groupe pour arriver à influencer les plus récalcitrants ou les moins aventureux d’entre eux.
Pour rire un peu, parce que l’humour est essentiel en éducation, je vous confie une anecdote datant de la petite enfance de mon garçon alors qu’il vivait ses années en immersion anglaise. Vous verrez que la langue seconde peut aussi être une bonne stratégie!
Mon garçon a alors 3 ans. Depuis toujours, il déteste le fromage. Lorsqu’un soir j’arrive à la garderie, il est attablé et mange une collation de fruits et fromage. Je l’observe un moment prendre de ses petits doigts potelés les cubes de fromage et les manger goulument. Je demande alors à mon coco ce qu’il mange comme collation. Il me répondre du tac au tac : « Fruits and cheese, maman ! » Et moi de lui répondre (vraiment sans réfléchir) : « Je ne savais pas que tu aimais le fromage? » Croyez-le ou non, mon enfant n’a plus jamais mangé ni cheese ni fromage. Dans cette petite histoire, le nouveau vocabulaire lui avait donné accès à un nouvel aliment. Et moi, j’ai tout gâché… Alors, si votre enfant n’aime pas le chou-fleur, il aimera peut-être le cauliflower? 🙂
Cela dit, nous rions encore du fait qu’un jour il a aimé le cheese et qu’il ne l’aime plus depuis qu’il sait que le cheese est du fromage. Les enfants ont tellement peu d’occasions de décider et de faire des choix que je lui ai laissé le droit de décider ce qu’il adviendra du cheese et du fromage dans sa vie. C’est probablement un aliment qu’il découvrira plus tard. Ou peut-être pas.
Mais revenons à la politique alimentaire chez Hibouge et Bilingo…
Proposé en trois services, le repas du dîner débute avec un plateau de crudités variées ou une alléchante salade composée. Pour ce qui est du plateau de crudités, chaque enfant peut choisir les légumes qu’il souhaite. Cela est sécurisant et permet l’exploration puisque l’enfant pourra choisir le moment où il tentera l’aventure de découvrir un nouvel aliment, une nouvelle saveur, une nouvelle texture. Et puisqu’aucune pression de l’adulte n’est exercée, il se sent suffisamment en sécurité pour se lancer dans l’exploration le moment venu. L’effet de groupe a aussi un grand rôle à jouer dans cette stratégie qui fonctionne toujours mieux ici qu’à la maison. J’ai des dizaines de témoignages de parents à ce sujet!
Lorsque l’entrée est une salade composée, cette dernière est présentée avant de la touiller dans la sauce. Cette étape peut sembler anodine, mais est pourtant cruciale. Elle nous permet de présenter chaque ingrédient individuellement. L’enfant peut ainsi reconnaître des aliments connus et appréciés et mieux « comprendre » et anticiper le plat à découvrir. Le concombre en petits cubes est donc le même concombre que la belle rondelle qu’il aime beaucoup en crudité! La pousse de tournesol ou de haricot mung peut être observée, touchée, goûtée avant d’être mélangée. Les ingrédients de la sauce à salade sont également présentés et les enfants sont invités à reconnaître ses saveurs au moment de la dégustation.
Vient ensuite le plat principal. Encore une fois, la présentation est un élément-clé. Le plat est déposé au centre de la table. Parce qu’on mange aussi avec les yeux! Autant que possible, les aliments sont séparés dans le plat de présentation. À titre d’exemple, prenons le menu de cubes de saumon marinés. On observe alors dans le plat une première section contenant les cubes de poisson dans leur sauce, une seconde section avec les courgettes à l’ail grillées et une dernière section avec les nouilles de riz. Toujours en respectant le mot d’ordre de la « petite-portion-qui-ne-fait-pas-peur », nous proposons à l’enfant de choisir s’il désire son poisson SUR les nouilles ou À CÔTÉ, s’il souhaite seulement goûter à une courgette ou s’il en veut plusieurs. Il est invité à choisir ainsi la composition de sa deuxième assiette s’il a encore de l’appétit.
Les dîners se terminent toujours par un service de compote de pommes maison. Cette compote, préparée quotidiennement par notre chef, est souvent agrémentée de fruits de notre verger comme, par exemple, des baies d’argousier, des camerises, des amélanches ou des cassis dans le but de varier les saveurs et de l’enrichir d’éléments nutritifs et antioxydants. Cette fin de repas apporte une touche à saveur sucrée agréable en plus de contribuer à combler les besoins nutritionnels en fruits et légumes. C’est aussi une stratégie qui permet aux moins aventureux d’avoir un petit quelque chose de plus dans le bedon à la fin de repas. 🙂
Notre déroulement en trois services peut vous paraître interminable, mais je vous assure que ce moment de vie en groupe est extrêmement riche au niveau pédagogique! Ce moment en est un d’apprentissages sociaux, affectifs, langagiers, cognitifs et moteurs (motricité fine). Il n’y manque que la motricité globale pour en faire l’activité la plus complète qui soit mais je vous déconseille fortement d’installer le trampoline dans la cuisine!
Mangez bien, mangez heureux,
Elyse
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