Ça me fait toujours drôle de parler de poids…
Peut-être parce que je trouve qu’on accorde trop d’importance à ça dans notre façon d’être femme.
Peut-être aussi parce que j’ai longtemps essayé de m’en foutre, au fond.
Peut-être aussi parce que je n’ai jamais vraiment réussi à m’émanciper de cette pression sociale ou pression tout court. Et on a beau lire un peu partout que ce n’est plus vrai, ce lien de causalité entre la minceur et la beauté, qu’on a le droit d’être ce qu’on veut et d’être belles quand même, reste que…
Peut-être aussi que c’est parce qu’à 14 ans, j’ai souffert d’anorexie et que je m’en suis sortie, mais que depuis, il m’arrive encore d’avoir une perception décalée de mon apparence physique…
Tranche de vie :
Je suis chez le médecin pour mon énième suivi de grossesse. S’il y a une chose qui m’horripile par-dessus tout dans ce type de rendez-vous médical (mis à part le fait de trimbaler mon pot de pipi au vu et au su de tous!), c’est bien le rituel de la pesée!
Bref, je monte sur le pèse-personne. On me donne un chiffre. On n’ajoute rien. Et moi, je me dis que ça a encore augmenté depuis la dernière fois, mais bon. C’est normal, non?
On m’invite ensuite à m’asseoir dans une salle d’examen où, quelques minutes plus tard, un résident un peu nerveux fait irruption, alors que je lis tranquillement des insignifiances plutôt divertissantes sur mon fil d’actualités Facebook.
Le jeune homme semble visiblement un peu mal à l’aise. Je dirais même que ça a l’air d’être « sa première fois » en gynéco. Chose étrange, il me demande quel est mon poids à l’heure actuelle, alors que d’habitude, on semble être au courant.
« Bien, je ne sais pas trop. Soixante-trois et quelque? », que je réponds, un peu agacée par sa question.
« Vous ne venez pas juste de vous faire peser? », ajoute-il, déstabilisé.
Bien oui!!! Je viens juste de me faire peser, mais comme n’importe quelle femme enceinte, je SAIS que j’aurai à faire face tôt ou tard, à la version toutoune de moi-même. J’essaie de ne pas en faire un plat, de me concentrer sur autre chose, de voir le beau, l’évanescent et le sublime dans le fait « d’être en balloune », alors non, je ne vais quand même pas retenir combien je pèse à chaque fois, juste pour que le hamster dans mon cerveau se remette à tourner inutilement. Surtout à propos de quelque chose sur lequel je n’ai que trop peu ou pas d’emprise!
Puis-je devenir toutoune en paix sans me faire achaler avec ça, s’il-vous-plaît?!
Évidemment, je réponds simplement en feignant la blague : « Oui, mais je n’ai retenu que le premier chiffre. »
Misère.
La vérité, c’est que, pour la première fois de ma vie, je suis à peu près bien dans ma peau malgré une dose supplémentaire de poignées d’amour. Je suis juste heureuse d’attendre un p’tit bébé tout neuf. Et j’arrive même à me trouver pas pire quand je me regarde dans le miroir. (J’ai des nouveaux vêtements, yé!)
Toutefois, je remarque que, pour certaines personnes, cette prise de poids demeure encore un sujet de conversation valable (et je ne parle pas de ce pauvre résident empêtré dans ses questions de gars qui commence). Pourtant, je n’aborde jamais le sujet en premier.
Bon, OK. Peut-être que je me permets parfois d’en parler avec mon chéri pour ventiler, question de vérifier si, lui, ça le dérange… En fait, il s’en fout, mais on dirait que moi, j’ai peur que ça ne soit pas le cas. Comme si cette nouvelle façon d’être bien avec ces kilos en plus devait nécessairement comporter un piège.
« Moi, je m’en fous peut-être, mais si les autres, non? Est-ce correct de me sentir bien avec mes nouveaux-bourrelets-nouveaux-amis alors que ça fait tellement d’années que je crains la chose? »
Une zone de confort, même malsaine, j’imagine que ça ne se change pas du jour au lendemain, il faut croire!
Le fait est que, ça fait longtemps que je n’ai pas été si bien dans ma peau, dans ma tête, dans mon cœur et que je découvre avec stupéfaction que ce n’est nullement une affaire de silhouette ou de chiffre sur la balance. Avant, je VOULAIS y croire, mais maintenant, j’y crois vraiment, je le ressens. Je suis juste moi. C’est tout. Cellulite, pas cellulite, mou pas mou.
J’ai longtemps été une coureuse. Une coureuse exigeante qui se donnait cinq jours par semaine dans les rues de Montréal et qui se sentait parfois pas mal un peu coupable de sauter un entraînement. J’ai longtemps été celle qui édictait des petites règles un peu nounounes sur ce que je pouvais manger la semaine versus la fin de semaine. Malgré cela, je trouvais toujours un truc qui clochait sur mon corps.
Mais ça, c’était avant. Ce serait faux de dire que, durant ces années de ma vingtaine, j’étais moins heureuse que maintenant. Je peux simplement dire que j’étais heureuse différemment.
Mais une chose est sûre : je me rends compte là, maintenant, que les moments dans ma vie où je suis capable de fraterniser avec ce qui ressemble le plus à la paix d’esprit, au bonheur, à la joie d’être en vie, bien, ils sont zéro liés à l’image que me renvoie mon miroir.
Et ça, il était plus que temps!
Je pense que c’est à force d’avoir été mise en face de modèles de filles qui rayonnaient vraiment que c’est arrivé tout seul. Elles étaient parfois rondes, parfois minces, parfois entre les deux, mais je les ai trouvées belles, sensuelles et, surtout, remplies de bonheur! Et là, je me suis dit que c’était vrai tous ces beaux discours sur la beauté et sur le fait d’être bien dans son corps, peu importe le poids. Ce n’était pas de la foutaise! Le déclic a été lent à se faire, je sais.
Bon, je ne dis pas que je ne vais pas un peu capoter en enfilant mon maillot cet été. Je ne dis pas que je ne vais pas hésiter avant de me promener la silhouette-Renaissance-post-accouchement sous le soleil de midi au bord de la piscine…
Mais je suis curieuse de voir à quel point ça va m’arrêter de prendre mon pied en lézardant sur ma serviette ou en sirotant un verre de limonade avec ma minie, mon chéri, mes amies et « mon petit « plus un »…
Crédit, photo à la une : Elise Martineau Photographie.
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