Commençons par définir ce qu’est une émotion : “Une émotion est une réaction psychologique et physique à une situation. Elle a d’abord une manifestation interne et génère une réaction extérieure. Elle est provoquée par la confrontation à une situation et à l’interprétation de la réalité” (Wikipédia). À partir de cette définition, nous comprenons qu’une émotion se rapproche davantage au système de réflexes qu’à un acte conscient sur lequel on peut exercer un contrôle. C’est en ce sens que, selon moi, il est difficile, voire impossible, de « gérer » nos émotions. C’est en effet un mécanisme par lequel notre corps/esprit nous transmet de l’information sur l’environnement. Voilà un magnifique outil qui permet d’interpréter et de fonctionner dans notre environnement.À cela, on doit ajouter le développement du cerveau puisqu’il est la centrale de contrôle des émotions. Chez les enfants, le système limbique (centrale de « réception » des émotions) domine jusqu’à l’âge d’environ 11 ans. C’est donc vers la fin du primaire, dans des conditions optimales, que l’enfant peux arriver à bien interpréter ses émotions et agir en fonction du message qu’elles lui transmettent.
C’est le néo cortex qui permet de réfléchir, faire des liens, exercer un jugement, … L’enfant est donc en mesure de faire un choix réfléchi en réponse à l’environnement plutôt que de réagir seulement vers l’arrivée de la puberté. Cette habileté continue de se renforcer jusqu’à environ 21 ans, âge à laquelle le cerveau atteint son développement optimal. Bien entendu, tout cela se développe graduellement et à chacun son rythme ! C’est ce qu’on appelle la maturité affective : faire des choix adaptés en fonction des émotions ressenties.
À titre de psychoéducatrice œuvrant auprès des familles depuis plus de 20 ans, ma position est que les émotions ne se « gèrent » pas à proprement parlé. Toutefois, nous pouvons guider les enfants en favorisant l’acquisition d’une maturité affective. C’est en leur apprenant à écouter ce qu’elles ont à dire et en prenant soin de leurs émotions qu’ils y arriveront.
Étape 1: nommer les émotions
Ce processus prend plusieurs années. La première étape est d’apprendre à mettre des mots sur chacune d’elle. Les parents et éducateurs sont les premiers modèles qui soutiennent cet apprentissage en reflétant (exprimer à haute voix) ce que l’enfant ressent. Ex : “Arthur, je vois que tu es est fâché, car ton petit frère t’a pris ta voiture. Tu cries et tes sourcils sont froncés.” “Marguerite, tu es triste que maman parte au travail.” On peut aussi nommer nos propres émotions. “Regarde comme je suis contente de ton beau dessin, j’ai un grand sourire!” Certains livres et films abordent ce sujet. Sans faire de la promotion, j’utilise souvent le film “Sens dessus dessous” qui met habilement en images le monde interne des enfants. Il existe aussi beaucoup de livres jeunesse de qualité sur les émotions et je sais que Pascale vous en a présentés plusieurs sur Instagram. Elle vous prépare d’ailleurs une recension sur le sujet. 🙂
étape 2 : Offrir des moyens pour prendre soin adéquatement des émotions
La deuxième étape est d’offrir différentes possibilités aux enfants pour prendre soin de leurs émotions. Ainsi, tranquillement, ils apprendront à utiliser des stratégies pour les réguler (diminuer l’intensité). Par exemple : “Anaïs, tu as le droit d’être en colère, mais tu ne peux pas frapper, alors on essaie de prendre une grande respiration.”
“Mathieu, de quoi aurait besoin ta peine pour aller mieux, est ce qu’un câlin te ferait du bien ?”
En lien avec la colère, il est important de tracer une limite à l’enfant dans ce qu’il peut faire ou ne pas faire. La colère est importante mais, selon nos valeurs, frapper n’est pas une solution. En établissant des limites très claires, vous encourager vos enfants à utiliser des stratégies efficaces et favoriser le développement de la maturité affective.
Enfin, les enfants apprennent à faire de la résolution de problème. Comme une émotion est déclenchée en réaction à l’environnement, il est important que l’enfant apprenne à résoudre les situations qui ont déclenché l’émotion. Ainsi, Arthur pourra dire à son petit frère qu’il n’a pas aimé qu’il prenne sa voiture et il pourra proposer un compromis, comme le chacun son tour. Marguerite pourra dire à sa maman qu’elle n’aime pas ça quand elle part au travail et on pourra trouver une solution comme apporter une photo de maman.
un exemple concret
Voici un exemple qui résume l’approche en lien avec les émotions. Théo, 5 ans, frappe son frère qui lui a pris sa voiture. Parent dit : “Théo tu as le droit d’être fâché, mais c’est interdit de frapper, va te calmer et je te dirai quand sortir lorsque tu seras calme. Une fois la colère calmée, on fait un retour sur ce que Théo aurait pu faire au lieu de frapper (on donne des idées si Théo ne sait pas). Ensuite, on demande à Théo d’aller voir son frère et de « pratiquer » la solution. Il pourrait alors dire à son frère : Ça me fâche quand tu me prends ma voiture, je veux que tu me le demandes. Comme il a fait un geste de violence, il est important qu’il répare son geste en prêtant un jouet que son frère aime, en rendant un service, en faisant un dessin… On termine le tout en disant : “Maintenant, c’est terminé et on poursuit notre journée!” Bien entendu, un exemple comme celui-ci-dessus, ne tient pas compte de plusieurs facteurs qui pourraient influencer l’intervention à faire comme parent. Par exemple, un enfant plus jeune a besoin d’être davantage accompagné dans ses stratégies de retour au calme.
Le monde émotif est complexe et souvent, les émotions se chevauchent simultanément. De plus, la façon de prendre soin de nos émotions est unique à chacun.
N’hésitez pas à demander de l’aide lorsqu’émotion rime avec désorganisation.
Je suis psychoéducatrice depuis 20 ans. Après avoir soutenu des familles d’enfants âgés de moins de 5 ans pendant 14 ans, j’ai intégré le travail en milieu scolaire (primaire, secondaire et formation professionnelle). J’ai également une pratique privée depuis 6 ans. C’est à travers mon rôle de maman d’enfants de 19 ans, 15 ans et 8 ans que l’ensemble des connaissances et compétences acquises ont pris un sens. En effet, à titre de professionnelle, je suis en mesure de fournir un regard objectif sur différentes situations, problématiques et autres mais c’est à titre de maman, que j’ai développé la connaissance émotive qui m’a permis de créer le pont entre la théorie, l’expérience clinique et la réalité quotidienne.