La fameuse routine!

jonathan-daniels-385131-unsplashPar Elyse Gagnon-Pelletier de la Garderie Maternelle Hibouge et Bilingo

Durant cette période de retour à l’école, tous les parents s’entendent pour dire que : “C’est le retour à la routine!”

Pour certains, cette constatation est empreinte d’une nostalgie de fin de vacances… Pour d’autres, cela signifie plutôt le retour à des habitudes sécurisantes et réconfortantes. En toute honnêteté, je crois tout de même que ces derniers sont beaucoup moins nombreux! Hi Hi!

Après une belle période de vacances en famille pendant laquelle une nouvelle routine (souvent plus souple et variée) a permis de créer une foule de moments privilégiés, le retour au travail et à la garderie ( ou école) est aussi synonyme d’un quotidien plus rythmé.

D’ailleurs, dans son premier billet, Isabelle Déry, psychologue, vous partagera quelques gentils trucs concrets de routine quotidienne pour accompagner vos enfants en période de changement ou d’adaptation. 🙂 Rester donc à l’affût!

Mais revenons à ce qui nous intéresse aujourd’hui… Que votre enfant fasse son entrée à la garderie ou à l’école ou qu’il poursuive son cheminement dans son milieu, mais change d’intervenante et/ou d’amis, une période d’adaptation sera nécessaire.

« Mais tout le monde finit par s’adapter!”, ai-je si souvent entendu! J’ai envie de vous dire ce que j’en pense, moi, de cette fameuse et trop souvent surestimée capacité d’adaptation… 😉

Évidemment, l’enfant s’adaptera à son nouveau milieu : à tous ces nouveaux visages, aux nouvelles attentes, aux nouvelles règles, à cette nouvelle routine… Seulement, une adaptation réussie ne se fait pas sans l’implication et l’engagement des adultes. Sans quoi, l’enfant y laissera fort probablement un morceau de sa sécurité affective. Qui finira, tôt ou tard, par se traduire par quelque comportement inadéquat ou dérangeant.

Je pense que je l’ai souvent dit dans des billets précédents (au risque de me répéter) : je suis une adepte du mouvement PRÉVENTIF! Puisque je sais par expérience que c’est la méthode qui permet à tous d’être gagnant! Parce que, même si on dépense une bonne grosse dose d’énergie en interventions préventives de toutes sortes, on évite de devoir rattraper en mettant en place moult interventions de recadrage ou autre qui sont souvent négatives autant pour l’intervenant (j’entends ici adulte) que pour l’enfant.

Comment les adultes peuvent concrètement s’investir dans la réussite de ces changements de début d’année?

  1. Par le transfert du lien de confiance (figure d’attachement)

La toute première chose à considérer est le transfert du lien de confiance entre les adultes significatifs et la nouvelle personne qui prendra soin de l’enfant.

Généralement, les changements que devra vivre l’enfant en début d’année sont annoncés ou prévisibles. En ce sens, autant les parents que les intervenantes du milieu éducatif peuvent jouer un rôle d’une grande importance.

En signifiant leur enthousiasme, les adultes significatifs aideront l’enfant à anticiper positivement le changement et la rencontre avec les nouvelles personnes.  Être enthousiaste, c’est parler de ce qu’on aime de cette personne à découvrir et demander à son enfant ce qu’il a hâte de savoir à son sujet. C’est aussi chercher à en savoir davantage un peu comme lorsqu’on s’intéresse à un sujet de recherche. On est alors sur la piste d’informations pertinentes qui nous renseignent et nous permettent de se familiariser un tout petit peu. Et pourquoi pas jouer à deviner des qualités!?! À titre d’exemple, on trouve sur notre site web (et je crois que plusieurs milieux éducatifs le proposent également) les photos et de courtes descriptions de l’ensemble des intervenantes. Avant d’accueillir un nouvel ami chez Hibouge et Bilingo, j’invite les parents à consulter (avec l’enfant) le profil de l’éducatrice de son groupe.

En établissant un contact familier et un dialogue avec le nouvel adulte, les parents démontrent à leur enfant que cet adulte est digne de confiance! Cette démonstration donne en quelque sorte l’autorisation (implicite) à l’enfant qu’il peut, lui aussi, faire confiance à cette personne. Évidemment, ce petit jeu amusant où se mélangent marques d’affection et humour doit s’étirer dans le temps. Et tout le monde en sera gagnant puisque le plaisir sera de la partie pour tous!

En construisant une routine de départ sécurisante, vous installerez un cadre et des repères qui aideront votre enfant à anticiper ce qui s’en vient.

Il est très fréquent et tout à fait normal que l’enfant éprouve de la tristesse ou de l’inquiétude lors des premières journées et particulièrement au moment du départ de son parent. Je propose donc à toutes les familles de construire une routine amusante qui sera répétée tous les matins lorsque le parent devra quitter et laisser son enfant dans son groupe. Mais avant de vous l’expliquer, je vous rappelle l’importance de démontrer à votre enfant que vous êtes heureux de voir le nouvel adulte, que vous avez envie d’échanger avec lui et que vous le désignez comme étant digne de prendre soin de votre enfant.

Alors, l’exercice est de créer, avec votre enfant, un petit rituel affectif qui vous ressemble. J’ai envie de vous partager le rituel de Félix (nom fictif) et sa maman, car je le trouve amusant! Ces deux-là me font rire tous les matins puisque maman semble avoir une certaine difficulté à mémoriser la chorégraphie! Il y a donc beaucoup de rire et d’humour qui se sont installés dans leur petit rituel.

Rituel de Félix : après un gros câlin et deux bisous, maman se rend dans le stationnement. De l’intérieur, Félix regarde sa maman par la fenêtre de la porte. Ils sont alors face à face et font les mêmes gestes en même temps comme lorsqu’on se regarde dans le miroir : 1-dessiner un grand cœur avec les bras, 2-autocâlin, 3-placer les doigts pour former un cœur, 4-faire cinq jumping-jack (oui, oui, c’est vrai!!), 5-deux becs en spray. Félix se souvient toujours de sa routine mais maman manque souvent une des étapes mais se rattrape tout de suite ce qui les fait bien rire tous les deux! Et Félix en éprouve un véritable sentiment de fierté!

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Ce type de rituel est TRÈS aidant si on s’y tient. Ne vous avisez surtout pas de l’interrompre sans le consentement de votre enfant!

  1. En permettant la création du lien d’attachement 

Pour développer un lien d’attachement significatif et sécurisant, l’enfant a non seulement besoin de « l’autorisation » de son parent, mais aussi de TEMPS pour vivre des expériences positives avec cette nouvelle personne. En ce sens, la planification des activités du milieu éducatif est réduite pendant les premières semaines et laisse plus de place à des activités et des routines qui permettront davantage de rapprochement entre l’adulte et l’enfant et entre le groupe de pairs. Le lien d’attachement se créé lorsque l’enfant obtient réponse à ses besoins de manière constante et continue. Évidemment, plus l’enfant est jeune, plus les besoins à combler sont nombreux. Pour aider à la création de ce lien, les parents peuvent aider en transmettant le plus d’informations possible au milieu éducatif . Quels sont les goûts alimentaires de l’enfant? Boit-t-il son lait chaud ou froid? A-t-il un objet sécurisant comme une suce ou un doudou? A-t-il peur du tonnerre? Fait-il une sieste? Et ainsi de suite. Bref, toute information qui nous aidera à comprendre les besoins spécifiques et les habitudes de l’enfant est apprécié!

  1. Par une communication régulière et suivie

L’éducation d’un enfant est un beau travail d’équipe. La collaboration entre les parents et les intervenantes du milieu éducatif est une affaire de tous les jours. Les échanges verbaux resteront toujours les plus efficaces, mais ne sont malheureusement pas toujours possibles ou aussi fréquents qu’on le souhaiterait. Plusieurs outils peuvent donc être utilisés afin de permettre une continuité des interventions dans les deux milieux de vie de l’enfant : journal de bord, messages courriel ou autres peuvent assurer le transfert d’informations utiles à tous les adultes veillant au bien-être et à l’épanouissement de l’enfant. Ces précieuses informations concernant des événements du quotidien de l’enfant peuvent aider à appuyer et à soutenir les interventions venant d’un des milieux et ainsi favoriser une meilleure continuité qui offrira les repères et la cohérence utiles à la sécurité affective de l’enfant.

  1. En amener les enfants à créer des liens entre eux afin de permettre le développement du sentiment d’appartenance

“Quelle est ma place dans ce groupe? Quel rôle je joue dans cette nouvelle dynamique?”

Selon la pyramide des besoins de Maslow, le besoin d’appartenance doit être comblé pour développer une estime de soi positive.  Les intervenantes et les parents doivent donc être à l’écoute du cheminement de l’enfant et le guider vers des relations harmonieuses et satisfaisantes avec d’autres enfants.

À titre d’exemple, Yoan (nom fictif) a été le plus petit du groupe (contexte multiâge) toute l’année dernière. Cette nouvelle année débute avec l’accueil de nouveaux amis plus petits que lui. Yoan a donc besoin de redéfinir autant son rôle auprès de son groupe d’amis que sa place auprès de l’adulte. Il pourra maintenant découvrir le plaisir d’être un modèle tout en devenant plus autonome pour ainsi laisser la chance aux plus petits d’obtenir toute l’attention et les soins dont ils ont besoin. Ces mêmes soins dont il a lui-même bénéficié l’an passé alors qu’il était tout petit. Donc, même si Yoan ne change ni de groupe, ni d’éducatrice, il aura besoin de temps et d’accompagnement pour bien vivre cette transition et s’adapter à cette nouvelle réalité. Tout sera donc mis en place afin qu’il ne vive pas de sentiment de rejet, mais bien au contraire ce sentiment de fierté bénéfique à la construction de son estime personnelle. En ce sens, autant les parents que les intervenants ont un rôle essentiel à jouer. Ils peuvent, par exemple, aider Yoan à trouver des bonnes stratégies pour s’intégrer aux jeux des plus grands.

Concrètement, Yoan tentera de s’intégrer de différentes façons. Au début, ses tentatives se solderont plus souvent qu’autrement par des échecs. À cette étape, l’adulte agit en fin observateur afin de renforcer la moindre petite tentative qui créera de l’ouverture chez le groupe d’amis à conquérir. Renforcer l’enfant en lui faisant prendre conscience de ce qui vient de fonctionner tout en invitant les autres amis du groupe (les plus vieux déjà habitués à jouer ensemble) à constater leur plaisir de jouer avec Yoan de cette façon. Il peut être aidant que l’adulte amène Yoan à observer les relations entre les amis tout près de lui. Avec des questions directes comme :

« Regarde autour de toi Yoan. Que vois-tu? Que font tes amis? Et que fais-tu, toi? »

L’objectif de ce type d’interventions est d’amener Yoan à observer autant ce que les autres font que ce qu’il fait lui-même à l’instant et de le verbaliser afin qu’il trouve lui-même des solutions et des stratégies à essayer. Parallèlement au renforcement de Yoan qui tente d’intégrer les jeux des plus vieux, l’adulte amorcera de cours échanges avec ces derniers afin qu’ils créent de l’ouverture à Yoan. Avec des questions directes comme :

« Vous jouez au docteur et je vois Yoan qui aimerait beaucoup se faire soigner lui aussi. L’avez-vous remarqué? Selon vous, quel rôle pourrait avoir Yoan dans votre jeu en ce moment? Pensez-vous qu’il serait content si vous le lui proposiez? »

Avec l’aide de l’adulte, la nouvelle dynamique pourra s’installer et Yoan poursuivra son développement en devenant à son tour un modèle pour les plus petits. Quand aux parents de Yoan et des autres amis plus vieux, ils pourront faire un retour avec leurs cocos à la maison, car ils auront eu la chance de lire cette belle information dans l’outil de communication quotidien!

Avec tout cela, ce qu’il importe de comprendre est que le lien d’attachement dont découle la sécurité affective de l’enfant est un processus complexe et complet en soi. Il se crée lorsqu’un adulte répond aux besoins physiologiques et affectifs de l’enfant. Quand, grâce à la collaboration entre tous les adultes responsables, le lien de confiance s’établie entre l’enfant et l’adulte, il est possible de traverser la période d’adaptation sereinement et désormais beaucoup mieux danser ensemble!

Bonne continuation dans cette nouvelle année en garderie (ou à l’école)!

Élyse Gagnon-Pelletie