La terrasse (Florence)

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Bienvenue dans le monde de Mia.

Mia et sa maman, c’est à fois toutes les petites filles et toutes les mamans. C’est un peu de moi, un peu de vous, un peu de tous les enfants qui ont croisé mon chemin… Ce sont les histoires que j’invente, les idées qui me viennent.

Je vais les faire grandir et évoluer pour vous ici, sur le blogue. Ce sera mon atelier de création et, allez savoir si elles sauront toucher votre cœur comme elle l’ont fait le jour où j’ai décidé de leur inventer une vie, une âme… Elles vous feront parfois rire, parfois pleurer… Mais, une chose est sûre : elles vous raconteront tout, dans les moindres détails : leurs souvenirs, leurs petits et grands bonheurs, leurs peines et leurs blessures… Dans l’espoir que cela vous parle…

S’émanciper de sa propre famille est une sensation à la fois douloureuse et étrange.

On ne sait plus tellement qui l’on est, mais on a une soif de vérité incroyable. Je croyais que la naissance de Mia m’affranchirait de cette oppression lancinante, mais ça n’avait pas été suffisant…

J’avais toujours tout fait pour plaire à ma mère, mon père, peut-être même à mon frère et ma sœur aussi… Il est difficile de les dissocier, un peu comme s’ils étaient soudés dans une même identité. Une sorte d’ombre agglutinée à la mienne qui me suivait pas à pas avant que je réalise que je devais apprendre à marcher seule. Que c’était mon unique chance de salut.

Le pire, c’est que je n’en étais même pas consciente. Si, peut-être un peu, tout de même. Je me rappelle vaguement certains 5 à 7 de ma vie de carriériste en puissance, sur une terrasse juchée sur le toit d’un immeuble montréalais. S’y montrer représentait le summum de la réussite. Savoir comment y démasquer les intrus était affreusement facile. Pas la bonne tenue, ni la bonne coiffure. Quelque chose de trop réel dans leur façon de tenir leur verre, de rire un peu trop fort avec leurs amis…

Lors d’une soirée particulièrement bien arrosée, je garde un souvenir précis d’une conversation avec l’une de ces filles à la queue de cheval négligée et aux vêtements qui auraient davantage convenu pour une sorte de beach party ou une pendaison de crémaillère d’étudiants… C’était un vendredi d’août chaud et humide. L’air me paraissait plus lourd et collant qu’à l’habitude. Je suais à grosses gouttes dans ma robe rouge en polyester. Trop ajustée. Toujours trop.

Je lui avais confié des pensées vraiment intimes, des choses qui remontaient à ma conscience le temps d’un verre de martini-litchi, puis deux, puis trois… L’ivresse a ceci de particulier : on y flotte dans une impression de flou tout en fraternisant avec un état d’étrange lucidité.

« Ce n’est pas que je n’aime pas ma job… », que j’avais commencé. « Enfin, je ne sais même pas si j’aime ça. Je ne sais même pas pourquoi je suis là. C’est comme si j’avais été prise dans un engrenage, que j’avais toujours fait ce qui avait été attendu de moi sans me poser de questions. »

La fille à la queue de cheval acquiesçait, empathique, présente. Je la détestais d’être aussi bien dans sa peau tout comme j’enviais le parfum de liberté qui émanait d’elle.

« Je suis allée à l’université, j’ai réussi mes cours, travaillé à l’agence de mon père – on ne s’oppose pas à Victor Sanchez  – j’ai accumulé les succcès… J’encaisse chaque matin comme une nécessité, tu vois? Mais, des fois, je me demande si c’est juste ça, la vie? »

Je m’attendais à quelque chose de plus grand. J’avais 27 ans et, une fois saoule, je transpirais l’amertume et la désillusion d’une quadragénaire en crise. Une sorte de philosophe triste et dépressive…

« Et toi, qu’est-ce que tu fais comme job? », que j’avais finalement demandé à celle qui avait été témoin de mon monologue d’égoïste prétentieuse.

« Je suis prof au primaire », qu’elle avait répondu, un peu trop enthousiaste à mon goût.

« Ah », que j’avais simplement dit, aussi intéressée par sa vie que par la reproduction des fourmis rouges.

Puis, un gars de l’équipe, Jonathan, était venu me prendre par le bras pour me « secourir » et « me ramener à moi ».

« Non, mais quelle conne! », qu’il avait sifflé, une fois près du bar, avec les autres. « T’as vu ses sandales de merde », qu’il avait ajouté. Jonathan avait la silhouette élancé d’un champion de tennis du Wimbledon. Il avait tout du gars de bonne famille et se donnait une sorte d’accent français artificiel. Un partie de moi voulait être choisie par Jonathan.

« Oui », avais-je répondu.

Je m’étais ensuite sentie très seule. La fille aux gougounes défraîchies m’avait soudainement manquée. Malgré le bavardage et les commentaires acerbes qui fusaient de toutes parts. Avais-je si peu de « vrais »amis pour me sentir ainsi étranglée par l’abandon après une simple conversation avec une étrangère? J’ai jeté un dernier coup d’œil à la prof de primaire à la jupe American Apparel fripée. Elle avait l’air d’une fleur perdue. Ses cheveux défaits dansaient dans la brise du soir.

Comment Evan avait-t-il pu tomber amoureux de cette version de moi-même? Peut-être était-ce parce que notre rencontre s’était produite dans un moment de fragilité passagère… Il avait entrevu la vraie Flo avant moi. Comme une promesse.

Pour lire les autres textes de Maman et moi :

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Pascale Clavel

Une réflexion sur “La terrasse (Florence)

  1. Tournesol dit :

    Quel beau texte qui me fait réfléchir sur l’être et le paraître. Certains découvrent leur mission sur terre dès leur jeune âge. D’autres doivent passer par diverses épreuves pour la découvrir. Certains ne la découvrent jamais hélas ! D’où l’importance de savoir bien s’entourer de bons amis dès son jeune âge, de s’ouvrir au monde par des lectures, des œuvres, des activités et des voyages inspirants; de découvrir ses intérêts; d’exploiter les beaux talents qu’on a reçus; et de vivre avec passion. La famille, les amis, l’école, etc. sont d’une importance capitale pour favoriser tout ça chez les enfants.

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