Petite chicane, gros chagrin

jelleke-vanooteghem-362320-unsplashPar Elyse Gagnon-Pelletier

Vie de groupe et situations d’apprentissage

Les conflits font partie du quotidien de tous les enfants. Certains plus que d’autres puisque le tempérament influe tout autant que le niveau de maturité affective et relationnelle sur la capacité de gérer la frustration, de gérer les émotions. Petits et grands sont à la découverte de leur univers, de ce qui les entoure, de ce qui les constitue et tentent de se définir.

Les conflits sont donc une source d’apprentissages sociaux et affectifs intarissable si nous prenons soin de bien les gérer. Sans l’aide précieuse et le soutien de l’adulte, les conflits entre enfants peuvent avoir un impact négatif sur le développement de l’estime personnelle. L’accompagnement est donc un passeport gagnant pour la consolidation d’une estime de soi positive, une meilleure connaissance de soi et de l’autre ainsi que pour le développement des capacités empathiques.

La gestion des conflits est un travail d’équipe entre les adultes et les enfants. Les adultes possèdent nécessairement plus d’outils. Ils ont donc un rôle d’une très grande importance auprès des tout-petits. C’est en fonction de la maturité développementale et de la personnalité de chacun que l’adulte proposera les outils qui aideront les enfants à trouver la meilleure manière de résoudre le conflit présent. Je trouve qu’il est important de regarder un seul conflit à la fois pour bien comprendre le contexte et les besoins de chacun.

Lorsqu’un conflit survient 

  1. Prendre le temps de réunir les partis concernés.
  2. Permettre à chacun des partis de raconter son vécu. On peut profiter de ces occasions pour intégrer les concepts de la communication non violente et bienveillante comme le fait de parler au « Je ». Il peut être utile et parfois même indispensable que l’adulte parle de ce qu’il a observé afin d’aider dans l’objectivation de la situation
  3. Aider les enfants à nommer leurs émotions. Il faudra peut-être suggérer des émotions aux enfants plus jeunes. Dans une relation de confiance, des petits gestes de proximité sont grandement aidants. Se mettre à la hauteur des enfants, offrir son regard bienveillant, toucher doucement l’épaule ou le dos, etc. sont des détails à ne pas négliger dans la qualité du support offert.
  4. Aider les enfants à nommer leurs besoins dans la situation présente.
  5. Aider les enfants à formuler une demande. Par exemple un enfant peut demander d’obtenir des excuses. Les excuses peuvent prendre différentes formes. Personnellement, je n’aime pas du tout l’idée du câlin ou du bisou imposé. Si je me mets à la place de l’enfant qui s’est senti dérangé, voire même agressé par un autre, je ne serais pas disposé à avoir un contact physique avec celui-ci dans le moment. Je préférerais assurément des mots gentils ou un beau dessin.
  6. La dernière étape est très importante. Il s’agit de prendre le temps de s’assurer que la situation est bien réglée pour les deux partis. Que tout le monde est en mesure de réintégrer positivement son activité. Il est possible que les enfants n’aient pas envie de jouer ensemble pour un moment et ils doivent savoir qu’ils en ont le droit. Certains enfants ont besoin de décanter avant de pouvoir rebondir. D’autres, non.

À lire : Être un parent bienveillant, ça s’apprend!

Pour illustrer ce point, voici l’exemple de Nini et Jojo qui jouent au papa et à la maman (je fais exprès d’utiliser ces pseudonymes pour ne pas qu’il y ait d’associations avec les petits amis de notre garderie-maternelle). Nini et Jojo voudraient bien avoir un bébé pour compléter leur famille et partir en voyage au pays de la crème glacée. Ils vont voir dans les berceaux pour se choisir un bébé. Zut! Plus de bébé disponible pour l’adoption!

En promenant leur regard dans la salle de jeux, ils aperçoivent Lulu et Zozo qui jouent à la garderie. Ils ont pris TOUS les bébés disponibles  pour former un grand-groupe-comme-pour-de-vraià-la-garderie. Nini et Jojo se précipitent donc vers leurs camarades afin de prendre un de leurs bébés. Un conflit éclate alors puisque Lulu et Zozo ne sont pas du tout d’accord de se faire prendre un enfant! Nini et Jojo ne pensent qu’à leur besoin et ne sont pas capables de le formuler. Ils ont plutôt un geste spontané et impulsif de prendre un bébé se disant que Lulu et Zozo les ont tous pris.

Ici, l’intervention de l’adulte sera d’aider Nini et Jojo à exprimer leur besoin et d’amener les deux partis à trouver une solution qui plaira à tous. Nini et Jojo ont le droit de vouloir un bébé pour leur jeu. Lulu et Zozo ont le droit de vouloir TOUS les bébés pour leur garderie (ils les ont pris alors que personne ne les utilisaient). Si j’étais l’adulte intervenant dans cette situation conflictuelle, j’aiderais tout d’abord les deux groupe d’enfants à nommer leurs besoins et à leur faire prendre conscience qu’ils sont tous légitimes. Je proposerais alors une solution-jeu. Je poursuivrais le scénario des deux groupes en proposant à Nini et Jojo d’aller chercher leur bébé à la garderie de Lulu et Zozo! En faisant un parallèle avec la réalité possible de cette situation de la vraie vie.

À lire : Mini Loup vit un tourbillon d’émotions

Pour qu’une situation soit réglée, il faut avoir trouvé une solution. Je trouve que la situation est gagnante lorsque la solution est trouvée par les enfants (avec l’aide de l’adulte évidemment) et que tous les partis sont d’accord avec cette solution. Il arrive cependant assez fréquemment qu’un des partis ne soit pas confortable avec la solution proposée par un enfant ou par l’adulte. Il reviendra donc à ce dernier de démontrer les aspects positifs de la solution pour chacun. Il y a très souvent un élément de conséquence logique dans une résolution de conflit.

Cela dit, il n’est pas toujours possible, en contexte de groupe, de gérer la situation conflictuelle exactement quand elle se présente. L’adulte doit alors communiquer clairement sa non-disponibilité tout en indiquant le moment où il pourra en prendre soin (idéalement dans les prochaines minutes). Un temps d’arrêt non punitif peut alors être une alternative temporaire intéressante. Des exercices de respiration peuvent être proposés aux enfants. On peut alors utiliser des illustrations, des pictogrammes ou des objets comme des petites plumes qui vibreront doucement sous le souffle de l’enfant. Ils seront davantage disponibles à la résolution à venir après cette mini pause-détente.

Stratégies pour diminuer les conflits

Il est intéressant de savoir que nous pouvons aider à réduire la présence et la fréquence des conflits par différents moyens.

  1. La quantité de stimuli (environnement et matériel, éclairage, température, etc.) a une incidence sur le niveau de stress et d’anxiété des tout-petits. En les réduisant, il est possible de créer un climat plus calme et apaisant qui aura des impacts positifs sur l’état émotif (capacité d’attention, de concentration de tolérance, etc.) des petits et des grands.
  2. Proposer et maintenir un cadre clair est essentiel à l’établissement des repères. Il est important que l’enfant sache ce qui est accepté ou non dans la dynamique de groupe tant entre les pairs qu’avec les adultes.
  3. Avant d’entreprendre une activité de routine, de transition ou de jeux, il est essentiel de donner des consignes précises, simples, réalistes et compréhensibles adaptées à l’âge de l’enfant. Cet élément est directement en lien avec la sécurité affective, le sentiment de compétence et d’appartenance au groupe. En ce sens, le développement d’une estime personnelle positive a un grand impact sur la place qu’un enfant prendra dans un groupe. Et sur la manière dont il prendra cette place.
  4. La vie de groupe propose divers enjeux et de nombreux défis dont celui de l’apprentissage de l’autonomie. Instaurer des routines et des rituels sécurisants contribue à soutenir l’enfant et le groupe dans cet apprentissage indispensable.

Dans la vie de groupe, dans la famille comme en service de garde ou à l’école, la gestion des conflits demeure une préoccupation du quotidien. Si les enfants ont besoin de notre accompagnement pour progresser, nous, adultes, avons besoin de pratique. La nature humaine étant ce qu’elle est, il n’y aura jamais deux situations identiques. C’est donc l’accumulation des expériences qui pourra nous amener à nous sentir de plus en plus compétents et à l’aise dans l’aide que nous pourrons offrir aux enfants dans la résolution de leurs conflits. Je nous invite donc à faire preuve de patience et de bienveillance envers nous-mêmes et à ne jamais hésiter à nous reprendre si nous le jugeons important. L’humour est un outil à privilégier!

Bonne chicane!

Pour des suggestions de lectures afin d’aider les minis à mieux identifier leurs émotions lors d’un conflit, je vous invite à visionner la vidéo de Pascale juste ici :

Élyse Gagnon-Pelletie