“En passant, comment ça va?”

Par Isabelle Déry, psychologue (et collaboratrice à la garderie-maternelle Hibouge et Bilingo)

Avertissement : Le présent article ne remplace pas une évaluation de la part d’un professionnel de la santé physique ou mentale. Des éléments liés au contexte et à l’historique de chaque patient doivent être pris en considération avant de poser un diagnostic. Merci.

« Bonjour, ça va? »

” Hey, salut! Comment vas-tu?”

Nos formules de politesse sont souvent lancées à la volée, aussi rapidement qu’un « bonjour »,  autant à la caissière de l’épicerie qu’à une amie proche…  Elles ne permettent aucunement de connaître l’état émotionnel réel de la personne… Plongée dans la conversation “qui compte vraiment”, nous passons rapidement à autre chose.

Qui prend le risque de demander consciemment, d’être ouvert et à l’écoute de la VRAIE réponse? Et qui prend le temps de bien réfléchir avant de répondre, branché sur ses émotions et en pleine conscience?  Nous sommes plusieurs à lever la main… Eh oui, dans l’attente du fameux “bon moment pour en parler”, nos excuses tiennent la route jusqu’à ce que l’on croise quelqu’un sur notre chemin (nous-même?) qui se retrouve devant ce mur inexplicable de souffrance

Malheureusement, à ce moment, on comprend le vide dans nos formules de politesse, le manque d’opportunité de se confier, de s’exprimer pour vrai… d’être entendu, réellement! À ce moment, submergé par un silence écrasant notre intérieur et assourdissant notre environnement extérieur, nous devenons difficile à atteindre… Constamment dans un bruit de fond de souffrance, de mal de l’être qui nous vide de notre essence… Notre cerveau fonctionne désormais mécaniquement et n’arrive plus à se dire, se confier, bref, à demande de l’aide!

Comment en sommes-nous arrivé là? Cet endroit sombre et noir à l’intérieur de nous où plus rien ne résonne du tout… Ni le rire des enfants, ni les câlins de notre amoureux, ni les blagues de nos amis, ni la passion pour notre travail… Comment cette prison, pleine de « rien » et vide de « tout » qu’est devenu notre corps, a tissé sa toile de tourments?

La réponse est complexe et simple à la fois. Toute en nuances et colorée par nos personnalités.  Voilà pourquoi il est important de pouvoir se dire et se sentir écouté au moment où le besoin se fait sentir. Attention, cet instant ne sera pas entouré de lettres néon clignotantes nous disant que c’est le bon moment pour le faire. Mais quelques indices peuvent nous guider!

Dans notre horaire chargé de parents et de professionnels ayant une vie sociale active et une propension à vouloir être en forme, notre quotidien est bien rempli! Et là, je ne parle même pas du temps mis pour cuisiner afin de manger santé, de la préparation personnelle de nos produits ménagers pour être écolos, du pliage stratégique pour sauver temps et espace, etc. L’ensemble de ces objectifs ou façons de vivre sont tous louables et s’attachent à nos valeurs. Cependant, ce sont des préoccupations supplémentaires qui ouvrent des dossiers indépendants dans notre cerveau… Lorsque le classeur déborde de dossiers ouverts et actifs en tout temps, il se peut que tout doucement, une fatigue mentale s’immisce dans notre corps, dans notre vie.

Au début c’est insidieux… Nous notons une plus grande fragilité aux virus des enfants à la maison, nous éprouvons des tensions au niveau du cou et des épaules,  nous souffrons de maux de tête lancinants, d’impatiences inhabituelle… Nous nous surprenons même à être plus souvent en colère… Ces signes avant-coureurs se pointent tous le bout du nez, comme une petite sonnerie d’alarme.  Dans une culture du travail et de l’effort avant tout, ces signaux sont vite mis en arrière, non entendus et banalisés…

Une petite pilule, une petite granule, un petit yoga ou jogging et hop!, la vie continue. Comme ces signes cachent autre chose, ils reviennent, ils s’intensifient, ils sont plus présents, plus dérangeants et se multiplient. Ils s’associent entre eux. C’est la loi du plus fort! Un rhume qui tourne en bronchite ou « ites » de toutes sortes et qui perdure, des tensions plus répandues dans le corps malgré le sport, le plein air et les intentions zen… Le corps combat une fatigue qui s’installe dans son centre et qui le dérègle. Il envoie des signaux pour que la personne au commande engendre des changements afin de rétablir l’équilibre, son équilibre!

L’équilibre entre les besoins et les devoirs, entre les efforts fournis et les résultats obtenus, entre le travail accompli et les moments de plaisirs. Cet équilibre personnel est vital et nécessaire. Lorsque les signaux physiques sont balayés du revers de la main et que le corps n’obtient pas gain de cause, il s’acharne de plus belle afin de faire comprendre son message.

Règle générale, le sommeil, l’appétit et le plaisir se modifient et sont sous l’emprise d’une fatigue qui se transforme, tout doucement, en mal-être. Un plus grand besoin de sommeil s’installe ou au contraire, un sommeil perturbé, léger et entrecoupé de périodes d’éveil plus ou moins longues prend place. L’appétit devient dévorant, laissant une sensation de faim constante durant la journée ou il disparaît à tous les repas. Le plaisir, lui, cède la place à une apathie déguisée que l’on camoufle d’un sourire mensonger… Ce déséquilibre entre le sommeil et l’appétit doublé d’un plaisir qui s’assombrit sont des signaux vraiment très importants à écouter, à confier, à entendre, à nommer…

À ce moment, il devient urgent de faire le décompte des semaines ou mois depuis l’apparition de ces signaux. Notre vie ne présente aucun changement, aucun stress nouveau, alors pourquoi ce sentiment de vide qui nous emplit de l’intérieur comme si l’on avait sans cesse la gorge nouée? Les émotions sont perturbées, absentes, envahissantes? C’est LE bon moment… Nous devons en parler à une personne près de nous, une personne de confiance qui saura nous accueillir et qui pourra nous accompagner dans notre réflexion.

Il est aussi temps de consulter un professionnel, en commençant par notre médecin de famille.

Nous pouvons chercher de l’aide de la part d’un psychologue ou autre professionnel psychosocial reconnu pour nous soutenir et nous guider afin de voir clair dans notre situation. Peu importe notre choix, l’important est de nous informer autour de nous ou de consulter les différents ordres professionnels. Ils ont des sections pour le grand public qui permettent de trouver quelqu’un à proximité.

Quels changements devons-nous ensuite faire dans notre vie personnelle, professionnelle et familiale? Des changements importants qui nous permettront de retrouver cet équilibre si fragile et si vital à la fois qui nous permet de vivre de la satisfaction et du bonheur au quotidien malgré les difficultés!

Nous devons en parler… Nous devons questionner la personne qui présente ses signaux. En ami bienveillant et présent.

Car, à ce moment précis, probablement et malheureusement, à la question Comment ça va?, notre réponse demeurerait Ça va

Pour consulter le site de l’Ordre des psychologues du Québec, c’est ici!

Pour avoir accès à des ressources en prévention du suicide, c’est par là!

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Isabelle Dery
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